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une sombre date. L’histoire mystérieuse et longtemps si déchirée de son pays natal, le pays des Dithmarses, histoire dont il s’éprit tout enfant, et qui pendant des années fut avec la Bible sa seule lecture, devait laisser une empreinte profonde et sérieuse sur ce jeune esprit. Hebbel entrait d’ailleurs dans la vie par la porte étroite de la pauvreté, et il eut d’abord à demander aux travaux manuels le pain de chaque jour. Ces diverses influences un peu noires ont fait la couleur et le caractère de sa poésie. Je ne saurais mieux en donner une idée qu’en traduisant de lui


la vieille maison

Le maçon se met à escalader la vieille maison qu’il doit jeter à bas. Mais voilà qu’il me semble t’entendre, ô toit sacré ! m’interpeller en ces termes : — Comment peux-tu, lorsque pendant de longues années j’ai été le temple de la paix et de l’amour, comment peux-tu me laisser détruire ?

C’est ton aïeul qui m’a bâtie ; c’est lui qui le premier, aux sons des pieux cantiques, avec sa douce et pudique fiancée au bras, a franchi mon seuil. J’ai gardé bonne mémoire de tout, de chaque joie, de chaque chagrin que leur envoya la destinée.

Ici naquit ton père ; c’est dans la chambre brune qu’il vint au monde et que les premiers regards du vigoureux bambin furent pour moi ; il fixa d’abord ses yeux sur les petits anges qui folâtrent dans un rayon de la fenêtre, puis il les tourna vers sa mère.

Toi-même… Mais non, il vaut mieux me taire ; je ne veux point parler de toi ; aussi bien ces souvenirs sont pour toi sans valeur. Tu peux me faire abattre : le bonheur entra ici avec tes ancêtres ; il est temps qu’il disparaisse avec moi !

Je pourrais pourtant durer encore de longues années ; mes fon-