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nelle, une main dans la main, et de l’autre heurtant leurs verres :

Dans la tonnelle de la Verte Couronne j’entrai mourant de soif ; un voyageur s’y tenait assis, assis près d’un vin frais.

Un verre était rempli, qu’il ne vidait jamais ; sa tête reposait sur son havresac, comme s’il ne pouvait en supporter le poids.

J’allai m’asseoir près de lui ; je le regardai dans les yeux ; je lui trouvai un air de parenté, et pourtant je ne le connaissais pas.

À son tour, le voyageur étranger me regarda aussi dans les yeux, puis il remplit mon verre, et il me regarda de nouveau.

Ah ! comme alors retentirent nos verres vivement heurtés ! comme frémirent nos mains chaudement étreintes ! — Vive ta bien-aimée, frère de cœur, vive ta bien-aimée dans le pays allemand !

À mon avis, la sympathique effusion de l’âme allemande est admirablement rendue dans ce morceau. La délicatesse exquise du sentiment s’y joint au naturel de la mise en scène et à l’intérêt progressif de l’action. Nulle déclamation, nulle recherche d’images ni d’ornements accessoires. C’est vif, simple et spontané comme l’émotion qui anime ce drame naïf. C’est d’un art consommé, tant l’art y paraît absent.

Les mœurs et les coutumes des universités allemandes ont été trop souvent décrites pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. On connaît les phases diverses de ce temps d’études ferventes, entremêlé d’enthousiasme, d’extravagances généreuses et de liberté. Gœthe, dans son Faust en a fait plus d’une peinture prise au vif. Je trouve dans mon recueil une chanson de Binzer où je