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sant, cette fois encore, passer dans la littérature de son pays, des inspirations fort originales empruntées à des littératures étrangères, notamment à des poètes espagnols et bulgares. La langue allemande est comme un grand caravansérail où les chefs-d’œuvre des autres langues trouvent facilement leur place, et ne tardent pas à s’acclimater. Il y a surtout une fort jolie chanson bulgare que l’auteur des Colchiques me semble avoir particulièrement réussie, et qui est, en outre, une pittoresque esquisse de mœurs locales : c’est la chanson de Dimitri. Je la néglige, à cause de son étendue, pour donner cette autre chanson bulgare, d’un ton si original :


Près de Silistrie est une fontaine ;
Près de la fontaine, au front d’un roc noir,
Sont gravés des mots qu’on peut encor voir ;
Mais pour les comprendre, on perdrait sa peine.

Un prophète, un jour (le flux des années
A noyé depuis ce vieux souvenir).
Un voyant, dont l’œil perçait l’avenir,
Prédit par ces mots nos deux destinées.

Car il écrivit que pour m’enflammer
Un jour tes beaux yeux sur moi devaient luire ;
Et, plus bas, sa main a pris soin d’écrire
Que toi-même, un jour, tu devras m’aimer.


Pour citer encore quelques compositions appartenant en propre à M. Hartmann, rien de moins banal, selon moi, que ces six vers, à la fois drame et tableau, où se cache une grande pensée philosophique :