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Il apportait tour à tour dans son bec des parcelles de terre, des plumes, des brins d’herbe, et gazouillait, en travaillant ainsi, de pieuses chansons, de doux psaumes.

Et j’eus grand soin de me tenir coi, de peur de troubler le laborieux oiseau.

Et je me promettais de ne pas manquer, à la prochaine aurore, de préparer sa nourriture, de pourvoir à tous ses besoins.

Il me semblait déjà le voir, dans une charmante familiarité, venir, à ma voix, se poser sur les treillages de ma fenêtre.

Mais il avait dû lire au fond de mes regards, car il s’enfuit aussitôt et ne revint plus.

Hélas ! pensai-je alors, sont-ils donc si méchants les regards de l’homme, si méchants, qu’ils fassent fuir jusqu’à ce petit oiseau ?

L’amour même ne peut-il en adoucir le rayonnement fatal, de manière à ne pas troubler du moins cette frêle créature ?

Et pourtant, n’est-ce pas l’œil qui dit quelles intentions, bonnes ou mauvaises, porte en soi notre âme ?

Voilà justement pourquoi l’oiseau s’est enfui sans retard : Dieu lui a donné le pressentiment du malheur qui le menace !

Nul doute qu’avec amour j’en aurais pris soin ; peut-être l’aurais-je nourri tout un mois comme le libre compagnon de ma solitude.

Mais à la fin aurait surgi en moi quelque mauvaise pensée, et il serait devenu captif dans une sombre cage.

Tu as bien fait, petit oiseau, tu as bien fait de t’envoler au loin dans les bois verts ; car j’aurais fini par te tromper.


Le dernier recueil de M. Maurice Hartmann n’est pas moins empreint de sérénité, bien que les tristesses de l’exil y soupirent à maint endroit. Mais ces tristesses, je le répète à dessein, s’expriment ici par des soupirs et non par des plaintes, encore moins par des menaces. C’est une mélancolie harmonieuse, pareille