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rain. La fée mélodieuse qui a présidé à sa naissance lui a fait, parmi tant de dons précieux, un présent plus rare encore, elle lui a donné le pouvoir de devenir un poète original en allumant son inspiration au génie de son pays natal, de la Bohème. C’est cette fibre nationale qui a vibré d’abord, qui continue de vibrer plus particulièrement dans ses vers. Et, puisque nous indiquons ce caractère distinctif de son talent, traduisons ici une pièce qui a surtout contribué à le faire connaître, une pièce qui le rendit populaire dès ses débuts, car il débutait par un chef-d’œuvre :


Les paysans de la Bohême

Assis côte à côte dans une misérable auberge, ils ont devant eux un verre rempli de la chère liqueur du houblon ; pour payer du vin, l’argent leur manque.

Ils sont assis côte à côte, dans un cercle étroit, de courtes pipes serrées entre leurs doigts nerveux. Au dehors, hurlent les chiens du village dont les aboiements font frissonner le pauvre voyageur.

Les bonnets s’inclinent de plus en plus, et les coudes se serrent ; les yeux s’enflamment et lancent des éclairs ; les verres se remplissent et se heurtent coup sur coup.

Car ils prêtent une oreille attentive à la bouche éloquente d’un compagnon : ce compagnon est revenu de Vienne aujourd’hui même, et voilà déjà plusieurs heures qu’il raconte.

C’est qu’aussi il a bien des merveilles à narrer : il a vu l’empereur en personne dans une voiture d’or traînée par six chevaux !

Il parle du vieux burg aux sombres murailles ; il assure que toutes les maisons sont en pierre ; il s’étonne à la fois de la cherté du pain et de la bière, et du bas prix du vin précieux.

Et, poursuivant son récit :