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père, qui regrette et qui lutte. Il était sincère : ce mot le résume. Combien sont aujourd’hui sincères parmi ceux dont la vie est en spectacle ? combien qui ne se griment pas ? qui ne prennent pas un masque ? qui, s’ils ont été remarqués pour une qualité ou un défaut, ne s’en font pas bientôt un tic, par manie ridicule d’originalité, par vaine et maladive ostentation ? On ne sait plus être simple ; on pousse tout son effort sur le même point, au risque de compromettre l’équilibre, de rompre l’harmonie des sentiments, des pensées et même du style. On a perdu le sens délicat des proportions.

Quelle route prendre pour rentrer dans le vrai ? Écouter son cœur et vivre ; se dégager des liens artificiels et vivre d’émotions naturelles et saines, suivant les lois tracées à l’homme par le Créateur ; vivre, en un mot, en se tenant le plus près possible de la nature. Qui raffine court risque de s’égarer. Ici se pose l’éternel problème de la civilisation ; ici revient la question de Rousseau. Est-elle définitivement résolue ? Les plus sages, à mon sens, sont ceux qui s’écartent le moins de la nature. Que de désillusionnés qui tentent d’y revenir, souvent trop tard !

M. Maurice Hartmann n’aura pas besoin d’y revenir. Quoique jeune encore, il a déjà beaucoup vécu par l’action, en faisant largement la part du rêve. Si mêlé qu’il ait été aux hommes et aux intérêts de notre époque, il n’a jamais oublié la nature ; il a toujours su rechercher à propos le calme réparateur des champs et des bois. Sa poésie y a trouvé le cachet de simplicité vigoureuse qui la distingue ; c’est une fille énergique de la Bohême qui a parcouru le monde, qui connaît les grands et les petits pour les avoir fréquentés tour