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à la frontière

Maudit douanier de la frontière, auras-tu bientôt fini de me tourmenter ? ne vois-tu pas que mon bagage est peu lourd, et qu’aussi mon argent est bientôt compté ?

À quoi bon fouiller, sonder, chercher ainsi ? À quoi bon ce regard défiant et scrutateur ? Tel j’en sortis il y a des années, tel je rentre maintenant dans la patrie.

Mon esprit est encore le même qu’autrefois ; mon cœur, encore chaud, ne s’est pas desséché ; l’ancien espoir, l’ancienne foi, l’ancien amour, l’éloignement ne me les a pas ravis.

Un pied leste et ferme, de joyeux refrains, un sang bouillant, une humeur enjouée et une fidélité plus solide que le fer, voilà mon passe-port, voilà tout ce que je possède.

Ami, regarde-moi bien dans les yeux, dans mes yeux clairs qui ne sauraient mentir, et laisse-moi passer, car ce que je porte avec moi ne peut être article de contrebande.


la maison du garde forestier

Au sommet de la verte colline se dresse la maisonnette du garde forestier, comme pour mieux voir ainsi par-dessus la sombre épaisseur des bois, au loin dans les clairs espaces. Debout, sur son seuil, je t’envoie du cœur un joyeux salut, à toi, mon Alsace, qu’il me faut sans fin célébrer, qu’il me faut aimer sans fin !

Mon œil ne peut se rassasier de contempler la beauté, la magnificence de tes forêts, les trésors ondoyants et bénis de tes plaines, ta fraîche couronne de villages. Hardiment s’élance le fleuve, plein d’une généreuse ardeur, entre les digues escarpées de tes montagnes. Le pouls de ta vie, si riche de sève, on l’entend battre de tous côtés.