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a empêché de se développer, ce qui a flétri prématurément tant d’organisations poétiques pleines de promesses, c’est d’avoir voulu vivre de la poésie, c’est de s’être déplorablement obstinées, qu’on me passe la comparaison, à demander à la muse le lait et le beurre de chaque jour, comme une fermière qui se hâte, dès l’aurore, de traire sa vache pour le marché. On arrive ainsi sûrement à tuer son inspiration et son propre corps.

M. Frédéric Otte a su se placer dans des conditions plus favorables, en maintenant un sage équilibre entre ses facultés : il en recueille désormais les fruits. D’abord renfermée dans les limites de sa province, sa réputation est aujourd’hui faite en Allemagne, et partout l’accompagne un bon parfum. Son labeur littéraire a d’ailleurs été continu. Il a successivement publié deux volumes de légendes suisses en vers (Schweizersagen), des poésies insérées d’abord dans différents recueils et réunies pour la première fois en volume en 1845. De concert avec Auguste Stœber, il a dirigé et édité pendant cinq années (de 1843 à 1848) les Feuilles alsaciennes du nouvel an (Elsæssische neujahrsblætter), qui s’imprimaient à Mulhouse, et qui étaient une tribune spécialement ouverte aux écrivains allemands de l’Alsace. Enfin, depuis deux ans, il publie le Elsæssische samstagsblatt (Feuilles alsaciennes du samedi), publication qui a surtout pour but de propager et de maintenir dans cette ancienne province l’élément allemand.

Les poésies de M. Otte ont une saveur rare. Elles traduisent, avec une naïveté charmante d’observation et d’émotion, les voix les plus secrètes des bois, des