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matou qui miaule sur le toit, ne purent se garantir de mon inspiration. Je n’épargnai pas même l’enfant au sein de sa mère… »

C’est M. Dürrbach, et non pas moi, qui parle ainsi. Je pense comme lui, néanmoins, que le métier de poète, ce métier qui exige non-seulement le diable au corps, mais encore tant de culture intellectuelle, tant d’art et de goût, sera toujours, à de très-rares exceptions près, exercé d’une manière inévitablement insuffisante par l’homme du peuple dépourvu d’instruction, ce dernier devant, la plupart du temps, confondre l’inspiration véritable, ce rare et précieux éclair, avec l’emploi presque mécanique de certains procédés en quelque sorte matériels, et dont l’application, conforme aux règles tracées, lui paraîtra constituer tout le mérite poétique, le génie enfin, dans le sens le plus ambitieux de l’expression, — Dans cet ordre d’idées, on arrive à versifier indifféremment, sans autre souci que de ne pas faire d’accroc à la mesure, à l’orthographe ou à la rime, « la nature et les pâtés de foie gras, la choucroute et la beauté. »

Pour avoir visé si juste, dans sa satire du barbier, M. Dürrbach, lui aussi pasteur de l’Église réformée à Strasbourg, n’a pourtant pas l’esprit tourné exclusivement, ou de préférence, vers la moquerie. C’est plutôt, nonobstant une légère veine caustique, un œil contemplatif, prêtant aux choses une attention sérieuse, pour les laisser ensuite germer en soi. Le tempérament allemand semble particulièrement apte à fournir en tout temps, même à notre époque si envahie par la réalité, ces têtes épiques que Voltaire, jugeant peut-être un peu trop de sa nation par lui-même, déclarait