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qu’il n’a pas cherché à se mettre un masque. Son inspiration ne se guinde pas à exprimer des pensées et des impressions autres que celles dans lesquelles il a été élevé, au milieu desquelles il a vécu. Il les met simplement en vers, dont le plus souvent la franche venue, quelquefois aussi le manque d’art, forment le trait distinctif et le charme. On voit tant d’écrivains, sortis du peuple, perdre leur seul attrait possible, leur unique et réelle saveur, en s’efforçant de cacher leur origine, qu’il faut applaudir doublement à ceux qui ont le bon esprit de s’en souvenir et d’y puiser leur force ! Daniel Hirtz chante les joies, les désirs, les chagrins, les divers épisodes du foyer domestique et de l’atelier, comme il est donné à tout cœur humain de les sentir, mais, — et c’est là son mérite et son honneur, — avec cette naïveté d’émotion qui caractérise les classes restées plus près de la nature. Quand un poète appartenant aux rangs du peuple sait ainsi se faire l’écho véridique des sentiments populaires, il acquiert une valeur historique et demi-épique, pour laquelle je donnerais, malgré leur beau langage, toutes les prétentieuses divagations des poètes dits populaires qui s’évertuent maladroitement à rêver et à parler comme des messieurs.

Je ne citerai qu’un chant de Daniel Hirtz, et je prends celui qui me semble devoir le mieux démontrer ses qualités franchement populaires, la spontanéité de son émotion et de son enthousiasme, la simplicité dominante de sa forme, voire même son petit grain d’opposition sentimentale contre l’occupation française. Le sujet est bien choisi pour allumer l’inspiration d’un patriote alsacien : il s’agit de la cathédrale de Stras-