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castique, et voici comment il percera de part en part le matamore fantastique, l’outre gonflée de vent :


l’ombre du moutier

Le soleil déclinait, et l’ombre du moutier se projetait, gigantesque, au travers des prairies jusqu’à la fraîche rive du Rhin.

Alors un cavalier arriva là sur son cheval avec la rapidité de l’oiseau. Il descendit de sa monture, et l’attacha aux saules de la rive.

Arrive aussitôt au grand galop un second cavalier ; il s’élance au bas de son cheval et il l’attache aux saules.

Armés de toutes pièces, ils se défient ; les flamberges, comme des flammes, sortent des fourreaux ; quel beau cliquetis se fait entendre !

Cependant le sire de Lein se met à penser par devers lui qu’il vaudrait mieux folâtrer avec sa maîtresse.

Le sire de Loss, lui, songe soudain aux bouteilles qu’il aimerait à déguster encore dans son beau manoir.

Voilà que le sire de Lein s’aperçoit qu’ils se battent à la sainte ombre du moutier, et aussitôt il cesse le duel.

Le sire de Loss opine tout de suite que c’est là un affreux crime à eux de se battre en un lieu devenu sacré par cette ombre qui le protège.

Là-dessus, le sire de Lein dit qu’à son avis ils feraient mieux de retourner dans leurs manoirs et de boire du vin bien frais.

Voilà, s’écrie avec empressement le sire de Loss, voilà qui est vraiment fort sensé ; et, ce disant, il se hâte de détacher son cheval.

Messires de Lein et de Loss étaient de prudentes lames ; ils marchaient dans le bon chemin ; aussi revinrent-ils sains et saufs chacun dans son manoir.