Pendant la nuit, il est descendu du ciel un blanc vêtement, symbole de paix ; et ce vêtement s’est étendu si doucement sur tout amour et sur tout deuil !
L’air est si profondément calme et pur ! une splendeur étrange l’éclaire, comme le magique reflet d’un monde silencieux d’esprits.
Le ciel clair et bleu regarde la terre, la belle dormeuse, et verse l’or tendre du soleil sur le sommeil de sa fiancée.
Elle sourit alors, en rêvant de lointaines joies printanières ; et des germes mystérieux d’amour fermentent dans son sein maternel.
Reine dans l’éclat du soleil, rêve enchanté des nuits tièdes, ô Venise ! que tu t’élèves fière de l’écume des flots verdâtres ! l’Océan enlace tes charmes de ses cent bras amoureux : enivrée de ton image, la vague domptée soupire avec mollesse.
Des masques s’ébattent au loin ; Arlequin s’élance dans les vagues dorées ; les chants retentissent du Rialto ; partout l’ardeur de la danse ! et les noires gondoles errent sur les canaux, sombres et discrètes comme la nuit, alors qu’éclatent les baisers de feu !
M. Gustave Mühl, on le voit, sait habilement dérouler un symbole en quelques strophes, et grouper les plans d’un tableau complexe dans un cadre étroit. Jeune encore (il est né en 1819), il est loin d’avoir dit son dernier mot. Préoccupé d’éviter les généralités banales et le convenu, il a un noble désir qui ne saurait demeurer stérile.