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crime pesait sur moi. Chaque aspiration versait du feu dans mon sein comme le baiser d’une vierge folle ; c’était du feu sur ma tête, du feu sous la plante de mes pieds.

Et, au détour d’une rue, je vois soudain une confrérie blanche, longue procession de deuil, cheminer vers l’église voisine ; j’entends murmurer des litanies incomprises ; amorties par le masque étroit, ces paroles s’échappent sourdes et sinistres des lèvres voilées. Est-ce du plain-chant ? est-ce une élégie sur un membre trépassé que le vent d’Afrique a tué de son souffle brûlant et arraché à l’association fraternelle ? Et ils murmurent, sans relâche, leurs chants funèbres ; et, sous ce soleil blafard, les cierges pâles projettent une lueur pareille à celle d’un feu follet ; enfin ils s’éclipsent ; la porte d’airain du temple s’est fermée sur eux ; et une femme abandonnée, qui demande l’aumône, me salue sous les colonnes du portique. La fièvre ronge ses joues, la fièvre brûle son sang, il décolore les lèvres du nourrisson qui dort sur le sein flétri de cette pauvre romaine. Mais une ardeur mal éteinte dans les yeux noirs de cette femme parle d’un bonheur passé, révèle un amour à peine étouffé. Pas un soupir, pas une plainte n’échappent à sa bouche divine ; fière, sans se courber, muette, elle annonce une ineffable misère.

Belles sont les femmes du Nord, fleurs épanouies sous les lustres d’un salon ; ravissante est la vierge timide sur les bords du Rhin ; mais sublime est la mère romaine, tourmentée, le désespoir sauvage dans son regard, hautaine dans son abaissement, image parlante de toute cette belle grandeur déchue.


Après l’héroïque et dévorante poussière de Rome, la grandeur alpestre n’a pas été moins bien sentie par M. Louis Spach. La lèvre encore embrasée du rayon italien, avec quel voluptueux apaisement il s’abreuve maintenant à l’eau du glacier !