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été frappée. L’évocation du sol consacré de l’Italie lui a peut-être fourni ses meilleurs sujets, ses images les plus heureuses. Voici une pièce sur Rome, qui peut se lire avec charme après une élégie romaine de Gœthe, et que Platen, à bon droit si difficile, n’aurait certainement pas mise à l’index.


sirocco
impressions de rome. — 1832

Que Rome est belle, lorsque le printemps germe sur les tombeaux païens, et qu’un flot de pèlerins du Nord roule vers la colonnade de Saint-Pierre ! Que Rome est belle, lorsque les rayons de la lune descendent sur le Colysée, et que le nocturne Forum revêt la teinte pâle, amie de ce monde des trépassés !

Mais que Rome est sévère et sinistre, lorsque le sirocco, apporté par les courants d’Afrique, tombe sur la cité des ruines, accablant, lourd comme le cadavre dans son cercueil ! Alors le ciel bleu se plombe, la verdure se fane ; fleurs et feuilles, pénétrées d’un poison narcotique, s’inclinent vers la terre, et l’âme, desséchée, inquiète, elle-même pareille à une ruine, sent que cet empire de la mort est sa véritable patrie.

Et le sirocco soufflait du sud ; c’était à l’heure de midi ; toute la maison était silencieuse, plongée dans un sommeil maladif. Je me glissai dans les rues : pas une âme dans la cité déserte, pas une porte hospitalière qui s’ouvrît. Derrière les fenêtres, hermétiquement closes, pas un regard de jeune fille. On eût dit la nuit ; cependant le soleil était brûlant au-dessus de ma tête ; des bouffées de vent venaient frapper ma joue, et cependant j’étais privé d’air. Partout où se montrait un peu d’ombre le long des maisons, je suivais cette étroite lisière ; les battements de mon cœur m’étouffaient comme si un