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quent pas non plus de bonnes raisons pour engager leurs compatriotes à ramasser le burin des Gœthe, des Schiller, des Platen, des Henri Heine. Tous ces conseils sont assurément fort louables ; mais combien, qui croyaient ramasser une plume d’aigle, n’ont trouvé qu’une plume d’oie émoussée ! Au fond, ces théories sont indifférentes au génie, qui saura toujours instinctivement rencontrer Savoie et sa forme. Ajoutons que, pour le public, la seule question importante, c’est d’avoir une belle œuvre de plus ; mais ce qui est détestable dans toutes les langues, ce sont les œuvres médiocres. Remarquons d’ailleurs qu’on s’exposera surtout à en produire de médiocres, quant au style, si, n’ayant pas été initié dès l’enfance aux mille secrets qui constituent le génie d’une langue, on s’obstine à l’employer. Peut-être faut-il y voir la cause du peu d’écrivains éminents qui se développent dans les départements frontières, sous l’influence pernicieuse de ce que j’appellerai le langage mixte.

L’Alsace n’est d’ailleurs, à aucune époque, restée en dehors du mouvement des lettres allemandes, et plusieurs de ses enfants ont su s’y faire successivement une place fort honorable. N’était-il pas un de ses fils, ce moine bénédictin du neuvième siècle, Alfred de Weissembourg, qui attacha son nom au plus ancien poëme allemand connu, et qui, paraphrasant en vers rimes les Évangiles, eut le double bonheur de créer en quelque sorte le mécanisme de la poésie allemande, et de vulgariser, si je puis ainsi dire, la douceur chrétienne parmi ses rudes compatriotes ? N’appartient-il pas à l’Alsace, ce poète chevaleresque, ce Gottfried de Strasbourg, dont le nom brille au milieu de la glo-