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chaque mot représente, figure ou rappelle une image pittoresque. À ce titre, les idiomes germaniques sont particulièrement rebelles à la conquête. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si nos provinces de l’Est, bien que profondément sympathiques à l’esprit français, se laissent si peu entamer par la langue de la France, malgré les mille réseaux dont les enveloppent sans cesse les habitudes et les relations civiles, administratives et privées de la vie française.

De telles conditions rendent toujours possible dans ces provinces l’éclosion d’une poésie populaire en langue allemande : elles lui assurent même la bienvenue. Cette voix, toujours résonnante, de la muse germanique, est écoutée par les uns comme un harmonieux écho du passé, par les autres comme une aspiration fervente vers l’avenir, par presque tous comme un éloquent témoignage en faveur de la seule nationalité inviolable, la nationalité de la race, de la langue et des mœurs.

La filiation des poètes allemands devait donc se continuer en Alsace, et ces poètes devaient surtout rencontrer adhésion et sympathie parmi les classes inférieures de la population. C’est même du sein de ces classes que les poètes eux-mêmes allaient le plus souvent sortir, soit en conviant la muse à leur humble atelier d’artisans, soit encore en s’élevant, par l’instruction et l’étude, à quelque fonction qui les mît en contact plus immédiat et plus continuel avec les masses. La muse allemande compte encore en Alsace plus d’un ouvrier poète, et le soin pieux des âmes s’y allie fréquemment chez le pasteur au talent de composer avec un art naïf des ballades et des lieds. Nous aurons plus tard à en citer quelques modernes exemples.