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Au loin, dans la maison solitaire du garde, scintille une petite lumière. Je me garderai bien d’y entrer : tout y semble par trop sinistre !

La grand’mère aveugle est assise là dans son fauteuil de cuir, immobile et raide comme une statue de pierre, — et elle ne prononce pas un seul mot.

Le fils du garde, au poil roux, arpente la chambre en tous sens, et sa bouche vomit des imprécations, et il jette sa carabine contre le mur, et il grince mille imprécations de colère et de rage.

Quant à la jolie fileuse, elle pleure, elle humecte son lin avec ses larmes : sur ses pieds se presse en gémissant le blaireau du père.


le presbytère


Le pâle croissant d’automne s’échappe lentement des nuages ; seul au milieu du cimetière se dresse le presbytère silencieux.

La mère est occupée à lire dans la Bible ; le garçon baille à la lumière ; l’ainée des filles étend ses membres assoupis ; la plus jeune dit :

— Ah ! Dieu ! je sais quelqu’un pour qui les journées sont bien longues ! Sauf la chance, trop rare, d’un enterrement, nos yeux ici n’ont rien à voir !

La mère reprit, au milieu de sa lecture : — Tu te trompes, il n’en est mort que quatre depuis que ton père a été enterré, là, près de la porte du cimetière.

L’aînée des filles se prit à bâiller : — Décidément, je ne veux pas mourir de faim près de vous ; j’irai demain trouver le comte : on sait qu’il est amoureux autant que riche !

À son tour le garçon dit en riant : — Trois chasseurs trinquent présentement à l’Étoile : — Ceux-là ne sont pas gênés pour battre monnaie ; ils m’enseigneront comment on s’y prend !