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— Cher amour, je ne saurais me lever ; les ténèbres voilent encore toujours mes yeux. J’ai tant pleuré qu’ils se sont éteints pour jamais.

— Je veux, sous mes baisers, Henri, dissiper la nuit de tes yeux : tu pourras contempler la beauté des anges et les splendeurs du ciel.

— Cher amour, je ne saurais me lever ; la place n’a pas cessé de saigner où tu me perças le cœur par un mot cruel.

— Le plus doucement que je pourrai, Henri, je poserai ma main sur ton cœur, et soudain sa blessure se fermera et toutes ses douleurs s’évanouiront.

— Cher amour, je ne saurais me lever ; le sang jaillit toujours aussi de ma tête depuis cette balle que je m’y tirai, dans le désespoir où me jeta ta perte.

— Avec mes cheveux, Henri, je veux panser la blessure de ta tête, et soudain ton sang cessera de couler, et les forces te reviendront.

Elle me suppliait d’une voix si douce, si caressante, que je ne pus lui résister plus longtemps. J’essayai donc de me lever et de faire un pas vers ma bien-aimée.

Mais aussitôt mes plaies se rouvrirent, et un double ruisseau de sang jaillit avec force de mon front et de ma poitrine.

— J’étais réveillé.


à ma mère
I

Je suis habitué à porter très-haut la tête ; mon esprit lui-même est un peu raide et rebelle ; si le roi en personne me regardait en face, il ne me ferait pas baisser les yeux.

Et pourtant, chère mère, je le dirai franchement, mon orgueil a beau se gonfler et se guinder à l’indépendance, souvent en ta douce et sainte présence une crainte respectueuse me saisit.