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paisibles mortels restés si près de la nature et des deux ! Et, puisque vos désirs ne vont pas au delà, puisse souvent le thon devenir votre proie, et l’espadon affluer dans ces parages ! On est friand de ces poissons dans l’opulente Naples.

Heureux pêcheurs ! les terribles jeux de la guerre ont beau changer la face du monde, faisant des hommes, naguère libres, autant d’esclaves, et métamorphosant en pauvres les riches ; heureux pêcheurs ! vous avez vu des Espagnols, des Anglais, des Français, régner ici tour à tour, sans en demeurer moins calmes, loin des fracas du monde, à ces limites de l’humanité où vous vivez suspendus entre le double abîme de la mer et des rochers. Vivez ! comme vous ont vécu les premiers nés de votre race, au temps où cette île se dégagea de l’étreinte des Sirènes, ou lorsque la fille d’Auguste expiait ici ses criminelles amours.


De pareils noms, de si grands souvenirs, de si gracieuses images, résonnent chez Platon avec un timbre d’or. L’Italie n’a peut-être jamais eu d’amant plus intelligemment épris de sa beauté. Platen n’était pas d’ailleurs de ces esprits prompts à s’allumer, et qui s’abandonnent spontanément, parfois même de parti pris, au premier mouvement d’admiration. Loin de là : il possédait un sens critique très-délicat, très-dédaigneux des banalités, et sa verve, suivant qu’il y avait lieu, tournait à l’épigramme aussi facilement qu’à l’ode. Avec une forte dose de lyrisme en plus et d’humeur paradoxale en moins, il ressemblait moralement, par plusieurs côtés, à un écrivain français de nos jours, également engoué de l’Italie, à Stendhal. Beyle aussi, car il faut enfin lui restituer son vrai nom, Beyle a passé fiévreusement sa vie à parcourir l’Italie en tous sens, ivre d’art, de musique et de beauté. Rien ne