Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 174 —


les pêcheurs de Capri

Si tu as vu Capri, et parcouru en pèlerin le rivage à pic de cette île hérissée de rochers, tu sais combien il est difficile de trouver où y aborder. Deux endroits seulement le permettent. Plus d’un fort navire pourrait entrer dans le port qui regarde, de chacune de ses extrémités, les golfes charmants de Naples et de Salerne. Quant à l’autre point d’abordage, nommé communément le petit port, il est situé du côté de la pleine mer, en face de l’immensité murmurante et sans bornes ; il n’est accessible qu’aux barques les plus légères. Des rochers en ruines surplombent alentour, et les vagues viennent éternellement s’y briser. Si tu descends sur la grève, ton œil aperçoit bientôt un fragment aigu de roche qui s’allonge au dessus des flots et semble défier les brisants. Là s’appuie une misérable cabane de pêcheur : c’est l’habitation située le plus à l’extrémité de l’île ; elle n’a d’autre abri que ces pierres gigantesques contre les fureurs de la tempête qui souvent couvre son seuil d’écume. Ce n’est pas la terre, c’est la vague qui nourrit ces pauvres gens. Jamais leur main ne cueille l’olive onctueuse, jamais leur front bruni ne sommeille à l’ombre des palmiers ; seuls le myrte sauvage et le cactus fleurissent encore sur ces rocs inhospitaliers, en compagnie de quelques rares plantes et d’herbes marines. L’homme y est plus familiarisé avec le terrible élément, qu’il ne s’entend à labourer, à féconder le sol. Ici, le lendemain hérite toujours identiquement des travaux de la veille. Toujours mômes labeurs : toujours jeter, retirer les filets ; puis les faire sécher au soleil sur la grève, puis les jeter et les retirer encore. Ici, le jeune garçon a de bonne heure essayé de barbotter dans les flots, de bonne heure il apprit à manier l’aviron et la rame ; tout enfant il a, dans ses jeux, caressé le dauphin attiré par la magie des sons jusqu’aux bords de la barque où il venait se rouler. — Ah ! puisse un Dieu vous bénir, vous et vos labeurs quotidiens.