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Alban, dont le portrait est peint dans notre église, et qui fut le bienfaiteur du lieu. Quand les marins ramenèrent jadis ses ossements, ils ne purent jamais hisser sur la rive le cercueil qui les contenait, tant il était lourd ! En vain s’y essayèrent tour à tour les hommes les plus robustes, en vain la sueur ruissela de leurs fronts : tous durent s’avouer vaincus. Mais voici qu’après eux s’avance une blonde troupe d’enfants qui s’attèle, comme pour se jouer, à la corde du cercueil, et qui le tire en un clin d’œil sur le rivage, en souriant avec grâce et sans montrer le plus léger effort.

Ainsi parle le savant vieillard, qui fait bientôt suivre ce récit d’une foule d’histoires plus profanes, telles que l’enlèvement des fiancées vénitiennes qui se rendaient à Olivolo pour la joyeuse fête des noces. Chaque jeune fille, suivant la coutume, portait sa dot dans un joli coffret. Mais, hélas ! une bande de pirates était embusquée dans les roseaux. Criminels audacieux, ils s’élancent tout à coup, saisissent les jeunes filles tremblantes, et les traînent jusqu’à leur navire, qui s’éloigne bientôt emporté par leurs rames rapides. Cependant les échos de Venise ne tardent pas à répéter mille cris d’indignation et d’horreur ; déjà les jeunes gens en foule se précipitent armés dans les navires ; le doge est à leur tête. Il ne leur faut pas longtemps pour rejoindre les ravisseurs ; leur valeur n’a pas besoin d’une longue lutte pour ramener triomphalement les jeunes filles délivrées dans la ville retentissante d’applaudissements et de cris de joie.

Ainsi parle le noble vieillard, et mon fiancé l’écoute, l’œil enflammé, mon fiancé svelte et vigoureux, tout prêt à refaire ces grandes choses qui honorent le passé.

Souvent aussi mon ami me mène, en ramant, jusqu’à Torcello, qui est proche. Il me raconte qu’autrefois Torcello fourmillait d’habitants, lui dont la solitude n’est plus aujourd’hui traversée que par des canaux d’eau salée tout remplis de limon, et que bordent les pampres voluptueux. Cependant il me montre le dôme et le siège de granit d’Attila sur la place