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Ni parce que les moissons jaillissent à l’envi de ton sol prodigue, ou que, dans tes parcs spacieux, yeuses et cyprès, oliviers et lauriers, brillent d’un feuillage toujours vert ;

Ni enfin parce que dans tes salles fastueuses tu entasses les trésors de l’art, devant lesquels aujourd’hui, bouche béante et cependant muette, s’arrête la badauderie britannique. — Hélas ! plus d’un monument que le monde t’envie, ô Florence ! t’est devenu plus étranger qu’à l’étranger lui-même !

Jamais plus, quoi qu’il advienne, le soleil des Médicis ne remontera à l’horizon ; depuis longtemps se sont endormis là Vinci, Buonarotti, Machiavel et le vieux Dante.

Seule, tu continues à briller par la beauté de tes formes ; et ces types adorables de l’art, ils vivent encore et circulent, comme autrefois, le long du Lungarno ; comme autrefois, ils remplissent encore les théâtres.

À peine le regard, qui redoute l’indécise mobilité du désir, a-t-il, étincelant d’ardeur, fait choix d’une forme où il croit admirer enfin l’épanouissement suprême de la beauté, — et déjà beauté plus accomplie encore apparaît et rayonne !

Et la vierge de Florence, que l’amour trouble dès les premiers printemps, n’a-t-elle pas contemplé d’un œil d’abord stupéfait la Vénus du Titien, cherchant bientôt à dérober pour elle-même les mille grâces enivrantes de cette splendide création ?

Et les mères de tes fils, réponds-moi, Florence, n’ont-elles pas tourné des regards brûlants de désir sur le Persée de Benvenuto, ou sur le divin Apollon ?

L’envie aura beau vous accuser de volupté, l’amour vous parle librement. Aimez et jouissez, — et que toujours se rafraîchisse le front éclatant d’Adonis !

Qu’ici folâtrent le bonheur et la jeunesse. — Le poète seul y sent l’âge allumer en lui une ardeur plus austère et lui briser entre les mains sa vie passée, comme un jouet d’enfant.

Il se recueille, voyant poindre déjà les heures sérieuses. Il