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être Gœthe lui-même, du vers lyrique allemand. L’Italie lui promettait les sujets les mieux appropriés à la nature toute plastique de son talent.

Tenant à vivre paisiblement sur ce sol privilégié, il devait se montrer sobre d’allusions politiques. Il avait à ménager les défiances ombrageuses de l’Autriche, non moins que les convenances de sa position exceptionnelle vis-à-vis de son royal protecteur. Indépendamment des allusions nombreuses qui témoignent dans son œuvre de ses sympathies chaleureuses pour la cause italienne, la conspiration permanente de ses vœux s’y montre parfois assez directement, comme dans cette ode à l’empereur François II, où, dans l’intérêt même de l’unité, de la force de l’empire, il adjure le monarque de renoncer aux énervantes possessions d’au-delà des Alpes :


À force de tourner tes regards inquiets de l’autre côté des monts, s’écrie le poète, tu risquerais de devenir presque étranger à la Germanie. En vain, espérerais-tu que le Lombard pût un jour apprendre à t’aimer, en vain nourrirais-tu la même illusion à l’égard de la Pologne. Rends à ton Allemagne un cœur allemand ; fais-la libre et une, et elle sera grande. Préserve-nous surtout de l’avalanche toujours menaçante des Baskirs ! C’est alors que, scellant une union bénie, la nouvelle France tendra à l’Allemagne régénérée une main amie par dessus le tombeau consacré d’Aix-la-Chapelle.


Si l’opinion de Platen se laisse voir à nu dans ces vers, à la faveur d’un ingénieux appel aux sentiments germaniques de l’empereur François, le poète sait trouver ailleurs, quand il le veut, un moyen détourné, mais non moins éloquent, pour déposer le fardeau qui