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les pigeons de saint-marc

Tout s’est évanoui ; cependant les pigeons de Saint-Marc viennent encore, comme aux beaux jours de la république, faire leur nid dans les hautes corniches du palais des doges : comme alors, on les voit encore, à l’heure de midi, s’abattre par bandes sur la place pour y picorer leur nourriture, errer, sautiller sans peur, çà et là parmi les piliers. Si ce n’est pas l’État qui les nourrit, de douces et prévoyantes mains s’acquittent encore de ce soin : aussi, pour eux, Venise est toujours la Venise d’autrefois.


coup d’œil en arrière

Tu m’apparais pleine de charmes, ô ville enivrante ! mais plus charmante encore apparus-tu naguère au jeune homme qui, d’un regard enflammé, recevait et donnait la vie ! Heureuse jeunesse ! dans l’âme de l’impressionnable rêveur toute sensation alors devient désir, toute pensée sensation !


fête de l’ascension

Souvent, avec les yeux de la pensée, je contemple cette fête splendide du printemps ; je vois la foule border en cercle la mer et les lagunes ; voici s’avancer solennellement le Bucentaure décoré avec pompe et portant le sénat ; des milliers de barques l’entourent, d’où s’exhalent les joyeux accords des instruments et des voix, et que couronnent à l’envi la verdure et les fleurs. Il vogue lentement, alourdi par tant d’or, malgré les efforts harmonieux des rames tombant en cadence. À sa rencontre, monté sur ton propre navire, tu t’empresses maintenant, ô patriarche ! tu verses dans la mer l’eau consécratrice, et répands ensuite les roses odorantes ; puis enfin, consommant de symboliques fiançailles, le doge lance son anneau dans les vagues azurées.