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une nourriture suffisante pour prolonger ma vie et mes douleurs. C’est ainsi que je continue d’exister, sans autre compagnie que ma misère ; et, dans ma profonde détresse, je trace avec un coquillage, sur cette pierre plus patiente que moi, ces mots où se résume désormais mon destin : Je n’ai pas même l’espoir de mourir bientôt !

III

DEUXIÈME PAROI D’ARDOISE


J’étais assis, avant le lever de l’aurore, sur la côte qui domine les flots. L’étoile avant-courrière annonçait le jour, qui commençait à poindre au bord de l’horizon, et, bien que l’orient fût encore couvert de sombres voiles, les vagues se déroulaient plus lumineuses sous mes pieds. Il me semblait que la nuit ne voulût point finir ; mon regard morne demeurait fixé sur la crête des ondes où devait bientôt se montrer le soleil. Du fond de leurs nids, et comme dans un rêve, les oiseaux élevaient leurs voix ; l’écume jusque-là scintillante des écueils, pâlissait à mesure, et la brise s’exhalait des eaux en même temps que le chœur des étoiles disparaissait dans le profond azur. Je m’agenouillai pieusement, et mes yeux se voilèrent de larmes. Bientôt le soleil se montra dans toute sa pompe, versant de nouveau la joie en mon cœur blessé, et je tournai aussitôt vers lui des regards avides. — Un navire ! un navire ! Toutes voiles dehors et gonflées, il se dirige vers moi d’un vol rapide. Il y a donc encore un Dieu qui compatisse à ma misère ! Ô Dieu de bonté ! oui, tu punis doucement ; à peine t’ai-je confessé ma faute et exprimé mon repentir, que déjà tu t’empresses de prendre en pitié ton enfant. Après avoir ouvert la tombe devant moi, voilà que tu me ramènes parmi les hommes, voilà que tu vas m’accorder de les presser encore contre mon cœur, de goûter encore cette ineffable vo-