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ce legs de l’habitant du désert. J’étais encore occupé à lire ces inscriptions écrites dans le plus pur idiome de la langue espagnole, lorsqu’un coup de canon nous rappela vers le vaisseau ; un second, puis un troisième coup ne nous permirent pas de différer davantage à regagner nos embarcations, et le vieillard resta dans la position où nous l’avions trouvé. La même pierre sur laquelle il avait souffert allait lui servir de lieu de repos et de monument. — Oui, repose en paix, enfant de la douleur ! rends aux éléments ton enveloppe mortelle. Chaque nuit, du haut du firmament, les étoiles scintillantes allumeront au-dessus de toi leur croix de rayons ; et ce que tu as souffert, ton chant va le dire aux hommes.

II

PREMIÈRE PAROI D’ARDOISE


Mon cœur se gonflait d’orgueil et de joie : je voyais déjà en esprit s’amonceler devant moi les trésors du monde entier. Perles et pierres précieuses, étoffes magnifiques de l’Inde, toutes ces richesses incomparables, c’est à ses pieds que je les déposais, c’est à elle seule que j’étais fier de les offrir.

L’or, ce Mammon, cette puissance terrestre, l’or, cet autre soleil de la vieillesse, j’en étalais des monceaux aux yeux éblouis de son père jadis inflexible. Pour moi-même, enfin, j’avais conquis le repos et apaisé dans ma poitrine la soif ardente de l’action, surpris de me voir patient et réfléchi. Elle n’avait plus à blâmer ma fougue indomptable ; ranimant ma vie au battement de son cœur, je trouvais désormais le ciel dans ses yeux, et mon cœur ne savait plus quel désir former. C’est ainsi que follement mes pensées s’élançaient dans l’avenir, pendant que mon pauvre corps gisait, une nuit, sur le pont du navire, et que mes yeux contemplaient les étoiles vacillant à travers les cordages. Un vent frais fouettait mes cheveux et