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avec une ardeur, un enthousiasme de poète, à l’étude des sciences, notamment à la botanique. C’est sa passion pour la botanique qui le fit participer, en 1815, comme naturaliste et comme savant, à l’expédition de découvertes que le comte Romanzoff, chancelier de l’empereur Alexandre, envoyait à ses frais dans les mers du Sud et autour du monde. On s’embarqua sur le Rurick ; le voyage dura trois ans, et Chamisso, qui en profita pour enrichir la Flore universelle, en écrivit et en publia, au retour, la relation également intéressante au double point de vue de la poésie et de la science. Son voyage lui inspira l’idée de ce poëme étrange, mais si profondément humain, Salas y Gomez, dont l’apparition intrigua au plus haut point les imaginations allemandes, qui fut aussitôt traduit dans toutes les langues, excepté dans la nôtre, mais auquel d’éminents critiques français, M. J.-J. Ampère entre autres, ont fini par rendre pleine justice. Il était donné à Chamisso d’ébranler l’imagination germanique, lui le doux railleur français, par des compositions fantastiques qu’Hoffmann eût été fier de signer ; car, précédemment déjà, en 1813, il s’était tout à coup rendu populaire en attachant son nom à cette monographie bizarre : Histoire merveilleuse de Pierre Schlémihl. Il s’agissait là d’un pauvre diable qui, pressé par le besoin et n’ayant plus rien dont il pût trafiquer, ne fait pas difficulté de vendre à un inconnu son ombre, étonné seulement de rencontrer une dupe pour payer en bel argent comptant une chose aussi vaine, une semblable chimère, un tel rien. — Mais qui ne connaît aujourd’hui cette ingénieuse histoire, laquelle eût suffi, à elle seule, pour ressusciter la race des commenta-