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et glorieux trépas. D’un commun accord, ils envoient faire à Chriemhilt l’offre de combattre seuls, dans la plaine, contre toute son armée ; mais la veuve de Sigfrid refuse, dans la crainte que sa proie ne lui échappe. Toutefois son cœur implacable paraît un moment s’attendrir, et elle promet aux rois ses frères d’épargner leur vie s’ils consentent à lui livrer Hagen. « Nous mourrons donc avec Hagen, s’écrie Gernot, fussions-nous mille d’une même race ! — Nous mourrons avec Hagen, puisqu’il faut que nous mourions, répond à son tour le jeune Giselher : nous voulons garder notre foi jusqu’à la mort. »

L’insuccès de cette tentative redouble la rage de Chriemhilt. Elle fait mettre le feu à la salle, et bientôt les rouges flammes de l’incendie montent vers le ciel sombre et volent çà et là en sillonnant l’obscurité nocturne. Des brandons enflammés tombent du toit, et les héros ne parviennent à protéger leurs têtes qu’en se couvrant de leurs boucliers. De larges gouttes de sueur ruissellent le long de leurs joues, une soif dévorante embrase leur poitrine, et cette soif devient telle qu’à défaut de vin et d’eau, Hagen donne à ses nobles compagnons le conseil de boire du sang. Cet affreux conseil est suivi, et le sang des héros morts ranime les héros qui survivent pour le combat suprême. Enfin la toiture entière s’est écroulée, et avec l’aurore descend un peu de fraîcheur sur les guerriers, furieux comme des lions, traqués par la soif et le feu.

L’attaque recommence sans plus de succès. Les Huns ne peuvent parvenir à forcer l’entrée de la salle. Leurs cadavres encombrent les degrés.