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l’intervalle, Chriemhilt se rend dans la salle des seigneurs, où les rois, ainsi que leurs plus proches alliés, sont déjà réunis autour du banquet. Elle y fait apporter également son jeune fils Ortlieb, âgé de six ans, et Etzel le présente à ses oncles, en appelant sur lui leur amitié pour le temps où l’enfant ira compléter son éducation en Bourgogne. Hagen, dans sa haine implacable pour Chriemhilt, s’écrie alors : « Ce jeune roi ne m’a pas l’air de devoir vivre longtemps. » Ces paroles cruelles de l’audacieux Hagen glacent d’épouvante Etzel ainsi que la foule des assistants ; mais, avant qu’ils aient pu revenir de leur étonnement et de leur effroi, un vacarme affreux se fait entendre. C’est le premier éclat de l’orage qui depuis longtemps s’amasse.

Tandis que les seigneurs sont assis autour de la table, Blodel, conformément aux ordres de Chriemhilt, pénètre avec une bande armée auprès de Dankwart ; il lui annonce qu’il vient venger sur lui, frère de Hagen, le meurtre commis par ce dernier sur Sigfrid. Pour toute réponse, Dankwart lui abat la tête d’un coup d’épée. L’escorte de Blodel se précipite sur les gens de service des Bourguignons, qui soutiennent pendant quelque temps l’attaque ; mais de nouvelles troupes plus fortes arrivent, et cet espace immense n’est bientôt plus qu’un épouvantable lac de sang, ou les gens des nobles étrangers périssent jusqu’au dernier. Dankwart, seul parvient, non sans peine, à se faire jour en se couvrant de son bouclier ; il s’élance vers la salle royale, renverse les gardes qui veulent lui barrer le passage, et arrive ainsi jusqu’à la porte intérieure.