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Alors le pauvre prêtre se décide à rebrousser chemin ; il regagne la rive et secoue ses habits. À cette vue, le sombre Hagen, qui se rappelle l’oracle de la sirène, ne doute plus de la ruine qui les attend ; mais, pour que l’idée de retourner dans la patrie ne vienne pas ébranler quelques cœurs timides, les derniers guerriers n’ont pas plutôt louché la terre qu’il brise la barque en mille pièces.

On franchit bientôt les frontières de Rudiger de Bechlarn, qui accueille avec l’hospitalité la plus cordiale et la plus splendide et retient durant une semaine l’armée tout entière des rois de Bourgogne, composée de trois mille vassaux et de neuf mille hommes d’armes. En signe de bienvenue, la femme et la fille de Rudiger reçoivent avec un baiser tous les héros bourguignons vieux amis du margrave de Bechlarn, ainsi que les frères de leur suzeraine et maîtresse ; mais, lorsque vient le tour de Hagen, l’aimable fille de Gotelinde s’arrête comme saisie d’effroi en face du héros au visage sinistre, et ce n’est que sur un signe de son père qu’elle tend au guerrier une joue pâlissante. Bientôt la gaieté retentit au banquet de fêle que préside la belle et noble Gotelinde. Le repas fini, l’aimable fille de Rudiger apparaît de nouveau, escortée de ses jeunes compagnes, et leur présence anime l’habile Folker d’Alzei à tirer de sa viole les plus doux accords et à entonner les chansons les plus agréables. La joie des convives est arrivée à son comble ; la confiance et l’amitié dilatent tous les cœurs. En ce moment, les héros bourguignons expriment le vœu de voir leur plus jeune roi, Giselher, uni à la gracieuse fille de Rudiger, et la cérémonie des fiançailles