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dissimuler sa joie farouche, dit à Etzel : « Qu’en pensez-vous, cher seigneur ? Ce que j’ai toujours, toujours désiré, va donc enfin recevoir son accomplissement ! — Ta volonté est la mienne, répond Etzel. L’arrivée de mes propres parents et alliés ne m’a jamais autant réjoui que ne le fait aujourd’hui celle des tiens. »

Cependant les sombres pressentiments de l’effroyable avenir se réveillent une fois encore à la cour de Bourgogne. La vieille mère des rois bourguignons et de Chriemhilt, Ute, blanchie par les ans, vit encore. Au moment même où ses fils et leur armée se disposent à partir, Ute fait un rêve terrible : elle a vu tous les oiseaux du pays étendus morts sur les champs et les bruyères. Ce songe ébranle de nouveau la résolution de Hagen ; il s’apprêtait déjà à réitérer ses exhortations aux guerriers, lorsque Gernot, le raillant : « Hagen pense à Sigfrid, dit-il, c’est pourquoi il voudrait bien se soustraire au voyage chez les Huns. — Jamais la crainte n’aura d’influence sur ma conduite, répond Hagen ; ordonnez le départ, et nous nous mettrons en marche ; je suis prêt à chevaucher avec vous vers le pays d’Etzel. »

On s’embarque ; on remonte le Mein jusqu’en Franconie ; puis on descend vers le Danube, sous la conduite de Hagen, qui connaît les chemins des peuples. On arrive aux bords du Danube, mais on ne trouve aucune barque pour le traverser. Hagen bat la contrée en tous sens afin de découvrir un moyen d’atteindre la rive opposée. Parvenu au milieu des solitudes les plus boisées qu’arrose le fleuve mystérieux, il entend tout à coup un bruit étrange, semblable au gémissement sonore des flots dans leur chute : ce sont les génies