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pourquoi je te supplie, Hagen, de veiller toujours sur lui et de le couvrir au besoin. — Volontiers, répond le guerrier plein de ruse, mais, pour que je ne sois point exposé à me tromper, noble reine, veuillez coudre un certain signe à cet endroit de son vêtement ; de cette manière, je serai plus sûr de ne pas commettre d’erreur. » Et cette femme sans détour, entièrement absorbée par ses tendres alarmes, se mit aussitôt à broder de sa propre main, avec un fil de soie, une croix sur le vêtement de son époux. Hélas ! elle ne savait pas qu’elle marquait elle-même ainsi la place où la mort devait le frapper ! Le jour suivant, les guerriers partirent. Hagen chevauchait derrière Sigfrid, pour s’assurer si le héros portait réellement le signe convenu. Sigfrid l’avait en effet. Pour accomplir le fatal projet, il n’est donc pas nécessaire de conduire l’armée plus avant. On suspend sa marche, et l’on annonce aux hommes d’armes une grande chasse. Sigfrid profite de cette halte pour aller embrasser encore la craintive Chriemhilt. D’affreux pressentiments semblent annoncer à la tendre épouse que cette entrevue sera la dernière. Des rêves pénibles troublent son âme, comme au temps où, sortant à peine des joies paisibles de l’enfance, elle vit pendant son sommeil le faucon et les deux aigles aux serres cruelles. Aujourd’hui, les songes qu’elle a faits ont été plus terribles encore. Elle a vu deux montagnes s’écrouler sur Sigfrid et l’ensevelir sous leurs décombres. Sigfrid s’efforce de la rassurer : « Personne, lui dit-il, n’a de haine contre moi, personne n’a de motifs d’en avoir ; j’ai toujours agi loyalement avec tout le monde ; avant peu de jours je reviendrai. » Malgré ces paroles conso-