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reine humiliée, les trois rois, et Ortwin de Metz, se réunissent pour délibérer. Giselher seul, le plus jeune de tous, opine que la chose, une simple querelle de femmes, est trop peu importante pour pouvoir entraîner la mort d’un héros tel que Sigfrid. Les autres membres du conseil, et Gunther lui-même, qui d’abord hésitait par un reste de reconnaissance envers son ancien ami, votent pour la mort de Sigfrid. On décide que, sur un faux bruit de guerre, on fera sortir l’armée, et comme on présume que Sigfrid ne voudra pas négliger cette occasion de signaler sa valeur, on arrête que le vainqueur des Nibelûngen sera tué pendant cette campagne.

L’armée est en marche, et Sigfrid s’apprête à la suivre. Dans l’intervalle, le perfide Hagen se rend près de Chriemhilt pour prendre congé d’elle. La gracieuse reine a déjà presque entièrement oublié la fameuse dispute, à tel point que, voyant se présenter devant elle l’homme qui s’est signalé comme l’ennemi constant de son époux, et qui a juré sa mort, elle ne sent pas s’éveiller dans son cœur la moindre défiance. « Hagen, tu es mon parent ; à qui, mieux qu’à toi, pourrais-je confier la vie de mon Sigfrid dans la guerre qui se prépare ? Prends soin de mon cher époux, je te le recommande sur ta foi. À la vérité, il est invulnérable ; toutefois, lorsqu’il se baigna dans le sang du dragon, une large feuille de tilleul lui tombe entre les deux épaules, si bien que cet endroit de son corps, n’ayant pas été mouillé par la corne liquide du monstre, est resté accessible aux blessures. Je dois craindre qu’un des nombreux traits lancés par l’ennemi pendant le combat ne l’atteigne à cette place ; c’est