Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 99 —

monde un fils qui reçoit le nom de son oncle, Gunther ; comme aussi Brunhild devient mère d’un enfant qui est appelé Sigfrid ; et dix années s’écoulent pendant lesquelles l’heureux couple jouit en paix de son bonheur. Sigfrid règne à la fois sur les Pays-Bas et sur le royaume lointain et septentrional des Nibelûngen ; Sigfrid, possesseur de trésors immenses, est le plus riche et le plus puissant des rois ; Chriemhilt, de son côté, la plus belle et la plus heureuse des reines.

Or, le long intervalle de dix années n’a pu éteindre la flamme de la jalousie dans le cœur de l’orgueilleuse Brunhild. « Eh quoi ! dit-elle souvent à son époux, eh quoi ! sera-t-il permis à Chriemhilt de se montrer si fière envers nous, que durant tant d’années elle ne sera pas venue, même une seule fois, à notre cour ? Sigfrid ne nous doit-il donc pas hommage ? et dix ans auront pu s’écouler sans qu’il se soit acquitté de ce devoir ! » Gunther répondit avec douceur : « Comment pourrions-nous les attirer dans ce pays ? ils demeurent si loin de nous ! J’hésite quand il s’agit de les inviter à entreprendre un si long voyage. » Mais Brunhild sait quelles sont les cordes prêtes à résonner dans le cœur orgueilleux de Gunther, c’est-à-dire qu’elle en connaît la faiblesse. « Et pourtant, reprit-elle, si fier et si riche que puisse être le vassal d’un roi, dès que son seigneur et maître lui ordonne quelque chose, ce vassal doit s’empresser d’obéir. Et qu’il me serait précieux aussi de revoir ta sœur Chriemhilt, de me réjouir une fois encore en admirant sa noble pudeur, sa grâce bienveillante, sa pure et douce candeur, comme au temps où je n’étais encore que ta fiancée, et Chriemhilt