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avec laquelle elle avait coutume de jouter : c’est une lourde barre de bois surmontée d’un fer épais au triple tranchant ; puis vient le tour d’une pierre énorme et ronde, si énorme que douze guerriers d’une force athlétique ont peine à la porter jusque dans l’arène. Brunhild relève la manche qui couvre son bras blanc, saisit son bouclier, appuie sa lance contre sa poitrine, et le combat commence. Gunther, aux yeux duquel Sigfrid est aussi invisible qu’à ceux de la guerrière, ne peut s’empêcher de trembler en voyant s’avancer sa redoutable adversaire ; Sigfrid s’approche de lui fort à propos, lui prend son boucher et lui recommande de se borner à faire semblant de combattre. Avec quelle joie le frère de Chriemhilt voit arriver Sigfrid à son aide ! La Walkyrie pousse sa lance, et des étincelles jaillissent du boucher de Sigfrid, semblables à de rouges flammes que le vent irrite et détache. Le roi de Xanten chancelle, mais bientôt il se raffermit sur ses pieds et porte, de toutes ses forces, un coup terrible à son adversaire. Elle a beau le parer avec son bouclier, elle tombe. « Merci pour ce coup ! s’écrie Brunhild en se relevant soudain ; merci pour ce coup, noble chevalier Gunther ! » Et, toute courroucée d’avoir été vaincue, elle court à la pierre destinée pour la seconde épreuve, la saisit, la balance un moment d’un bras vigoureux, la lance au loin, puis, d’un bond plus rapide qu’une aile, se précipite comme l’éclair à sa suite, et retombe au but avant elle. Son armure résonne au loin. Alors le hardi et musculeux Sigfrid, au corps grand et souple, saisit en un clin d’œil la pierre, la balance à son tour, et la jette au loin, par-dessus la tête de la reine ; puis aussitôt il s’élance lui-même, et d’un