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saint-bonaventure

La paroisse en bénéficia, la première, et le zèle de son pasteur y rencontra désormais un champ plus libre et des coopérateurs de plus en plus sous sa main. Une de ses qualités, des plus favorables à son ministère, était justement cette facilité qu’il avait à conquérir des amitiés fidèles et des dévouements généreux ; il y avait, dans son abord, tant d’affabilité, dans ses entretiens tant d’insinuante bienveillance, dans son étreinte une si prenante et si irrésistible sympathie, qu’on était, pour ainsi dire, conquis avant d’être abordé et qu’on ne songeait plus à se reprendre. Aussi de quels regrets et de quelles larmes, la nouvelle de sa mort ne fut-elle pas suivie, partout où on l’avait aimé, dès qu’on l’avait connu, aux Chartreux, où il avait professé la théologie, à Sainte-Blandine, où il avait succédé au fondateur M. Dartigue, où il avait construit, dans ce quartier déshérité, une de nos plus élégantes églises modernes, à Saint-Étienne, dont il était originaire, où une de ses sœurs priait pour lui, derrière les grilles de la Visitation. Une cruelle maladie, qui dura cinq mois et demi, au cours de laquelle il fut un modèle de résignation et de confiance en Dieu, l’emporta, le 17 mars 1878 ; il avait 59 ans et ne léguait à ses héritiers qu’un mobilier, dont il fallut vendre les principales pièces, pour payer les dettes courantes.

Les temps changèrent vite et les conditions du gouvernement curial se modifièrent sensiblement, peu après que M. Méchin, remplaçant le chanoine Merley, fut entré en fonctions. La gauche républicaine, parvenue au pouvoir, ne songea qu’à traiter l’Église en parti hostile et vaincu ; elle déclara la guerre au cléricalisme, et, sous ce nom de signification vague et d’étendue élastique, elle frappa indistinctement les institutions catholiques, s’arma contre leurs droits les plus incontestables et enveloppa, dans la même proscription, nos libertés, nos traditions et nos dogmes. Le curé de Saint-Bonaventure eut à subir, comme tous ses collègues de France, les tracasseries et les vexations, dont les circulaires ministérielles ressuscitaient l’usage, en l’empruntant aux périodes les plus despotiques du premier empire. Il s’agissait tantôt de la clé du clocher, tantôt de la sonnerie des cloches, tantôt des comptes de fabrique et tantôt de la cire des convois funèbres ; un jour on discutait le tarif du casuel, un autre jour, on contestait la transmission de legs parfaitement légitimes, ou bien l’on prétendait en déterminer l’emploi ; expulsé des bureaux de bienfaisance, le chef du clergé paroissial l’était aussi des écoles et, par ces mesures détournées et odieuses, on frappait de déchéance son ministère à l’égard des enfants et des pauvres. Il est hors de doute que M. Méchin ne se rangea, ni parmi les découragés, ni parmi les silencieux : la lutte ne déplaisait pas à son tempérament et il n’aimait pas plus sacrifier de ses droits que perdre un pouce de sa taille. On raconte qu’il avait l’habitude de se dire à lui-même, comme l’adage de son équilibre moral et de son aplomb physique, ces simples mots : Tiens-toi droit ; et, afin de s’en pénétrer mieux, il les répétait dans le patois de ses montagnes du Forez, dans la langue de ses compatriotes de Saint-Georges-en-Couzan, où les têtes ne fléchissent pas plus que les hauts sapins. Mais ces préoccupations très vives, à certaines heures, d’écoles, de presbytère, de comptabilité, ne l’arrêtèrent pas dans les soins, dont il était redevable à son troupeau, ni dans ses projets d’amélioration et d’embellissement pour son église. Comme le premier de ses prédécesseurs, il exerça, pendant un quart de siècle, la charge pastorale ; installé, le dimanche