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saint-bonaventure

Le successeur de cet homme de bien, si digne de se survivre dans la mémoire des générations, qui viennent prier dans le temple, sauvé de la ruine par son activité pastorale, M. Noël Jordan entra en possession de la charge vacante, le 9 novembre. À la porte de l’église, M. Aynard, président du conseil de Fabrique, lui présenta les clés, M. Vuillerme, curé de Saint-Nizier, lui passa l’étole sur les épaules et lui souhaita la bienvenue, en des termes excellents. Tout présageait au ministère, qui commençait, des bénédictions et des succès abondants. M. Jordan appartenait à une des familles les plus notables de la ville : un de ses frères. César, tenait dans la commerce un rang distingué ; un autre avait été directeur au bureau des cultes à Paris ; le troisième, plus célèbre peut-être par ses relations d’étroite amitié avec Mme Récamier et son groupe, que par ses discours politiques, Camille, mort depuis peu de temps, s’était signalé, à Lyon, dans les assemblées locales, au Parlement aussi, par son intrépidité à défendre la liberté du culte catholique et des cloches, et il avait employé à revendiquer les droits des princes légitimes son entraînante éloquence, en Fructidor, comme sous le Consulat. Depuis dix-huit ans, à la tête de la paroisse des Minimes de Roanne, l’abbé Jordan avait déployé une habileté et une constance peu communes, dans l’organisation de ses écoles et dans la revendication de l’enclos et des bâtiments claustraux pour le presbytère. Il était dans toute la vigueur de l’âge et il entrevoyait, devant lui, l’espace de temps nécessaire à mûrir ses desseins et à les exécuter.

Avant d’entreprendre quoi que ce soit, d’après ses convenances ou ses goûts personnels, il tint à relever, par une cérémonie, peut-être un peu hâtive, mais bien touchante, ce qu’il y avait eu de délicat, dans un des derniers gestes de M. Pascal. Nos lecteurs se souviennent peut-être, par quelles critiques amères, avait été accueillie, tout à fait au début des restaurations primitives, l’idée de placer un autel monumental, au fond de l’abside. Le curé y tenait, d’autres en étaient choqués. Ces derniers l’emportèrent ; l’autel fut avancé vers le chœur et le vaincu n’eut pas la patience de supporter cet échec en silence ; il en garda longtemps une persistante amertume et, avant de mourir, pour s’absoudre d’avoir été si peu maître de ses impressions, il déposa entre les mains d’un des fabriciens, son confident, M. Noël Rambaud, une somme de 14.000 francs, destinée à substituer un autel de marbre à l’autel de bois, cause du conflit. On décida, avec beaucoup d’à-propos et de justice, de publier ce don posthume, d’une façon éclatante, et d’en préparer l’accomplissement par un engagement irrévocable. Un dimanche de novembre 1829, le 25, M. Barou, vicaire général, procéda à la pose de la première pierre du monument futur, en présence de plusieurs ecclésiastiques de marque, MM. Montagnier, promoteur, Bonnevie, chanoine, Vuillerme, curé de Saint-Nizier, du maire de Lyon, M. de Lacroix-Laval ; une boîte de plomb y fut scellée, renfermant une médaille, avec une inscription, gravée à cette occasion, et des pièces de monnaie d’argent. Cependant, après cette manifestation, qui rallia les suffrages de la meilleure partie de la population, l’œuvre subit d’interminables ajournements et ce ne fut que vingt ans après, le 10 mars 1849, que le cardinal de Donald vint en bénir la fin.

Au nombre des causes de tant de lenteur, il ne faut pas oublier de compter l’insurrection de 1834, qui faillit emporter l’église. Située au centre du soulèvement, elle en devint comme la citadelle et, pendant trois jours, son pauvre clocher fut le point de mire des bou-