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histoire des églises et chapelles de lyon

La solennité revêtit un caractère grandiose, par la multitude de fidèles, qui s’y rendirent de tous les |joints de la ville ; la joie populaire éclatait, en acclamations, sur le passage du cortège pontifical et les vivats coupaient de leurs vigoureux échos les strophes des hymnes sacrées. Ce qui manquait à l’ornement du saint lieu, les signes, imparfaitement effacés, des déchéances successives dont il avait souffert, les chapelles murées, le sol qui n’avait reçu aucun dallage, remettaient, sous les yeux et devant la mémoire, les souvenirs des tristesses d’hier, des profanations qui avaient souillé les autels, des luttes fratricides où tant de martyrs avaient succombé ; chacun se félicitait de voir l’ordre rétabli, la religion triomphante et ses ministres protégés dans les initiatives de leur zèle et de leur charité. Le cardinal remplit lui-même les fonctions liturgiques ; il baptisa la cloche, dont le parrain, Jean Flageolet, et la marraine, Marguerite Godomard, épouse de François Barocher, appartenaient, l’un et l’autre, à la corporation des bouchers ; il célébra la messe et administra le sacrement de confirmation. La cérémonie, commencée à neuf heures, ne prit fin qu’à une heure. Après les vêpres, on alla chercher processionnellement au Lycée, le Saint-Sacrement, les reliques de saint Bonaventure et la statue de la Sainte Vierge ; la foule, pendant le parcours, ne fut pas moins respectueuse que le malin, ni ses actions de grâces moins vives, et Fesch, après avoir quitté les Cordeliers, heureux de n’avoir pas perdu sa journée, écrivait à son architecte de Paris, M. Legrand, lui proposant divers projets à propos de son hôtel de la rue du Mont-Blanc, afin que les tableaux de sa galerie fussent placés, avant la fin d’octobre ; il s’informait de la prochaine arrivée d’une Immaculée-Conception qu’il avait commandée à Maximilien, statuaire romain, élève de Canova, pour une chapelle de la cathédrale, et il se plaignait qu’on tardât à lui envoyer le dessin d’un ostensoir, promis au Chapitre par l’Impératrice Joséphine. Ainsi se reposait ce prince de l’Église, en renouvelant perpétuellement le champ de son activité et en associant la vanité et le faste de son goût artistique à l’accomplissement des devoirs de sa mission diocésaine.

Nous ne sortirons pas du domaine de l’histoire, pour franchir celui de l’indiscrétion, en rappelant comment nos fabriciens, après avoir vaincu d’insurmontables difficultés extérieures, n’échappèrent point aux froissements intérieurs, qui désagrègent les corps les mieux unis. Il s’agit du maître-autel, dont M. Pascal avait imaginé le dessin et désigné la place, selon ses idées personnelles, sans tenir suffisamment compte des objections opposées à son projet, au sein de la commission, en particulier de la part de M. Lenoir, que son expérience professionnelle, en architecture, rendait plus chatouilleux que les autres. Il sentit bien quelques sourdes menées de mauvaise humeur, mais il eut l’imprudence de ne pas s’y arrêter et persista dans ses plans. M. Groboz les critiqua, sans l’ébranler ; l’archevêque fut plus positif et, à première inspection, il n’hésita pas à prononcer qu’il fallait transporter l’autel sous la croisée du milieu du sanctuaire. Pourquoi, si le mot rapporté par M. Lyonnet, est véridique, ce qui est douteux, M. le Curé ne s’en tint-il pas, pour la première messe, à une planche posée sur deux tonneaux ? Il se serait épargné d’amers regrets et un trop sensible affront. Une cabale, de laquelle les plus honnêtes gens s’étaient séparés, fit entendre des murmures, pour la fête de saint Bonaventure, et porta plainte à