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saint-bonaventure

La combinaison réussit ; à l’audience, où elle fut admise, la députation du conseil fabricien, le curé en tête, entendit d’encourageantes paroles et, dans la soirée, Napoléon apposait sa signature au décret par lequel la ville de Lyon était autorisée à racheter les Confalons et à les agencer, en vue de l’entrepôt et du marché des farines. Il fallait, en effet, songer à indemniser le propriétaire de cette chapelle des Pénitents blancs, M. Ravier, notaire, qui l’avait récemment obtenue, en échange de biens nationaux, cédés à l’État, dans le Midi ; il exigeait 75.000 francs.

Chose à peine croyable, si la preuve matérielle n’était pas entre nos mains, ce décret fut à peu près escamoté ; à Milan, le ministre de l’Intérieur, M. de Champagny, convenait que le débat était clos, qu’il n’existait plus d’objection à soulever, ou de délai à proposer, qu’il allait mander au Préfet du Rhône de remettre les clefs à M. Pascal ; le cardinal, se liant à ces déclarations, regardait l’affaire comme terminée. Cependant, au milieu de juillet, personne n’avait bougé. M. le curé ne fut informé de son droit que le 18 vendémiaire (10 octobre 1805) par M. de Gérando, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, et lut, de ses propres yeux, une expédition du décret libérateur. Le bon billet, tombé comme des nues aux doigts de l’humble succursaliste ! Encore six mois de démarches interminables, de longues stations dans les antichambres, de lettres et de rapports expédiés, et enfin, l’on franchira le seuil tant convoité.

Le ministre des finances entre en scène, à son tour, et il se montre plus acharné que ses collègues à ne pas lâcher le morceau. Le curé supplie Fesch de le réduire (6 décembre). Fesch interpelle Portalis et lui déclare, sans périphrase, qu’il devient le complice du vandalisme le plus inconcevable, le destructeur du plus beau sanctuaire de Lyon (29 janvier 1806). Piqué du reproche, Portails se détermine à porter directement à Napoléon les réclamations des Lyonnais, dont il n’atténue pas la justice ni le ton. Il plaide en avocat habile et chaleureux, il gagne sa cause. En quittant le cabinet du souverain, il emportait l’ordre formel de restituer Saint-Bonaventure au culte catholique. Les obstacles insurmontables disparaissent, devant cette volonté omnipotente, comme par enchantement ; l’entrevue avait eu lieu, le 2 avril, et, dès le 20 du même mois, le maire du Midi était prévenu par M. Bureau de Puzy de prendre les mesures d’une mise en possession aussi prochaine que possible. La cérémonie, dont on écarta volontairement tout éclat extérieur, s’accomplit dans l’après-midi du 12 mai 1806.

Muni du procès-verbal, en date du 9 mai, constatant que M. Fion, receveur des domaines nationaux, au nom et comme représentant de la Légion d’honneur, a fait remise à la ville de Lyon : 1° du vaisseau de l’église, c’est-à-dire de la nef principale, des deux nefs latérales et du chœur ; 2° des chapelles à droite et à gauche, au nombre de seize, M. Sain-Rousset, adjoint pour le second arrondissement, fit relâche de la totalité de ces édifices « à telle fin que la Fabrique jouisse dès ce jour et à l’instant même ». Notons, pour n’avoir pas à y revenir, que l’administration civile ne se départit point, dans cette circonstance, de ses habitudes d’étroitesse inintelligente et de ses procédés de mauvaise humeur, dont elle avait accumulé les preuves, au cours des négociations. Le délégué de la mairie centrale réclama vainement l’abandon des petites boutiques ou échoppes, bâties