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pendant l’octave entière, une affluence extraordinaire de pèlerins, et une abondance d’aumônes inusitée. On regretta d’autant plus vivement de n’entrevoir que pour un délai de plus en plus indéterminé, l’entrée dans la Terre Promise. Combien de temps encore sera-t-on condamné, comme les Hébreux fugitifs, à s’abriter sous une tente étrangère ?

Il nous faut maintenant revenir en arrière et nous arrêter, sans nous rebuter des plus menus détails, aux longues et épineuses négociations qui aboutirent à la rétrocession des Grands Cordeliers à leurs véritables ayants droit. Ce récit, exclusivement composé avec des pièces officielles et inédites, ménagera peut-être plus d’une surprise à nos lecteurs ; nous nous en servirons aussi pour dissiper quelques ombres, dont a souffert la mémoire de notre premier prédécesseur, faussement accusé, semble-t-il, par des historiens, trop prompts à le juger, d’hésitations dont il ne fut pas coupable et d’une imprévoyance, dont la responsabilité doit retomber sur d’autres que lui.

Quand M. Bureau de Pusy prit son arrêté du 4 germinal an XI, qui rendait à Saint-Bonaventure sa primitive destination religieuse, il restait à trancher une double difficulté : à découvrir, d’abord, au profit des négociants à expulser, un local pour leurs dépôts et leur marché, ensuite à se procurer des ressources considérables pour réparer un bâtiment que des transformations successives, les plus bizarres, avaient à peu près ruiné. Le maire de la division du Midi s’empresse, quatre jours après, le 8 germinal (29 mars), d’avertir le Conseil de fabrique qui s’occupe du transfert de la halle au blé et les assure qu’il les instruira des dispositions définitives, dès qu’elles seront prises. C’était, évidemment un ordre, déguisé et poli, de surseoir à une occupation trop prompte. On se résigne à patienter quelques jours, non sans éprouver une première déception, indice probable de plus amères contrariétés à subir. On apprend, en effet, que le receveur des domaines, le citoyen Fron, a perçu les loyers des gens, installés dans les échoppes et chapelles, et que ce recouvrement demeurera entre ses mains. Ainsi en ont décidé les bureaux de la Préfecture. Protestations, superflues du reste, auprès de M. Sain-Rousset, qui fait la sourde oreille, absorbé toujours par la découverte problématique de l’emplacement introuvable. Au bout de trois mois, la situation ne s’est pas modifiée : les vicaires généraux conseillent temporairement une organisation sommaire au grand collège ; on leur obéit ; mais le 10 septembre, on envoie à l’archevêque une requête pressante, où le mécontentement des habitants perce dans les termes respectueux, dont ils se servent, pour éclairer le chef du diocèse ; ils énumèrent, une à une, les graves incommodités d’un temple dont la jouissance pèse à tout le monde ; son éloignement très pénible pour les vieillards et les enfants, son délabrement, ses courants d’air qui forceront à le fuir, pendant les rigueurs de l’hiver, son obscurité vraiment fâcheuse pour le service ; « le cri général, affirment-ils, dans leur conclusion, est pour l’ouverture de Saint-Bonaventure, à cause de son centre de démarcation, de sa grandeur et de sa salubrité ». Cette requête rejoignit, à Rome, le cardinal et l’impressionna vivement ; à chacun de ses courriers, il en entretient ses vicaires généraux. « Je m’en vais écrire, dit-il à M. Courbon, le 7 décembre 1803, à M. le Préfet, pour qu’il veuille bien faire relâcher l’église de Saint-Bonaventure au desservant. » Le 9 ventôse an XII, (29 février 1804), il prévient M. Jauffret qu’il a exécuté sa résolution ; deux jours après,