Page:Martin - Histoire des églises et chapelles de Lyon, 1908, tome II.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
317
sœurs saint-joseph de cluny

se trouva prête à confesser sa foi avec l’intrépidité de son caractère. Elle procura des asiles aux prêtres poursuivis ; les patriotes disaient d’elle : « Cette Nanette nous berne et se joue de nous ; il n’y a pas moyen de mettre la main sur son curé. » Le dévouement d’Anne Javouhey fut récompensé de Dieu ; elle-même le dira plus tard : « Le Seigneur me fit connaître, d’une manière tout à fait extraordinaire mais sûre, qu’il m’appelait à l’état que j’ai embrassé, pour instruire les pauvres et élever des orphelines. »

Même à l’époque de la persécution, elle instruisait des enfants et des adultes et prépara ainsi deux premières communions fort nombreuses qu’on célébra durant la nuit. Sous le Directoire, Anne se consacra à Dieu ; c’était le 11 novembre 1798, au dix-neuvième anniversaire de son baptême. Elle ouvrit ensuite une école dans la maison de son frère aîné, non sans l’opposition de son père. L’ancien curé de Chamblanc, émigré pendant la Révolution, obtint de M. Javouhey l’autorisation pour sa fille d’entrer à Besançon dans une communauté, mais une voix intérieure avertit Anne qu’elle n’était point dans sa voie. De Besançon elle se rendit, en 1802, chez les Trappistines de la Val-Sainte en Suisse. Le matin même du jour de la cérémonie de la prise d’habit, le Père abbé lui dit : « Vous ne prendrez pas le costume religieux ; allez simplement assister à la messe, vous y ferez la communion ; puis, après, vous serez libre de suivre l’attrait de Dieu, et vous irez fonder votre congrégation. » Anne, sortie de la Trappe, se mit à faire l’école dans de petits villages.

En 1804, elle rentra dans la maison paternelle. M. Javouhey s’engageait à construire un bâtiment suffisant pour les classes. Ce père devint chrétien au point de consacrer au service de Dieu les quatre filles que la Providence lui avait données : Anne-Marie, Claudine, Pierrette et Marie.

Sur ces entrefaites le pape Pie VII revenant de Paris, où il avait sacré l’empereur Napoléon, passa à Chalon ; Anne et ses sœurs assistèrent à sa messe et communièrent de sa main ; il les bénit avec tendresse. Anne fonda, peu de temps après, deux écoles à Chalon sur l’invitation du curé de Saint-Pierre. La ville les reconnut pour ses écoles primaires officielles, et même, à la demande de la municipalité, Napoléon Ier signa à Posen (Pologne), le 12 décembre 1806, un décret d’autorisation de la petite communauté. Le 20 août 1806 eut lieu la bénédiction de l’association qui prit le nom de Saint-Joseph. Quelques années plus tard le noviciat fut établi à Cluny ; de là le vocable : Saint-Joseph de Cluny. Le 12 mai 1807 on fit la cérémonie des vœux et de vêture des premières sœurs. Les religieuses, novices et postulantes étaient au nombre de neuf ; c’était bien le petit troupeau de l’Évangile. L’évêque les réunit en chapitre pour procédera l’élection de la supérieure générale : Anne-Marie Javouhey obtint tous les suffrages.

La révérende mère multiplia rapidement les maisons et les œuvres du nouvel institut : elle réussit à s’établir à Paris en 1814 : la ville lui confia une de ses écoles. M. Desbassyns, intendant de l’île de la Réunion, demanda à la digne supérieure des sœurs pour son île ; quatre religieuses y débarquèrent le 28 juin 1817.

Vers la même époque, Laine, ministre de l’Intérieur, proposa à mère Javouhey la direction des hôpitaux et des écoles de toutes les colonies françaises. Bientôt le Sénégal, les