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surtout remarquer dans le commerce habituel de sa vie par une incomparable douceur ; d’autre part ses entretiens édifiaient et instruisaient tellement la communauté que les religieuses en étaient aussi touchées que d’une efficace prédication. Ses pénitences étaient extraordinaires : elle prenait la discipline jusqu’à cinq fois par jour. Réélue une seconde fois supérieure, elle établit heureusement au faubourg de Vaise, maison des Deux-Amants, un second monastère de son ordre. Sa deuxième supériorité terminée, elle redevint vicaire ; puis, malgré son désir d’obscurité et de vie humble, elle fut élevée une troisième fois à la charge de supérieure. Depuis la sortie de ce dernier office jusqu’à la fin de sa vie, elle ne cessa de vaquer au jeûne et à l’oraison, ses deux exercices préférés. Elle affligeait son goût en mâchant de l’absinthe, en poudrant ses aliments de cendre, et surtout souffrant de violentes soifs durant les ardeurs de l’été. Elle appliquait sur sa chair nue des manipules d’ortie, et demeurait à genoux pendant de longues oraisons, sans s’appuyer nulle part. Sa vie, un martyre perpétuel, s’acheva le 3 septembre 1680. Au xviie siècle, le couvent de Sainte-Élisabeth avait pris un tel développement, qu’en 1617 on y comptait soixante religieuses et cent vingt-cinq ans plus tard, en 1742, il s’en trouvait quatre-vingts.

Sainte-Élisabeth de Bellecour, au xviie siècle (d’après le plan de Simon Maupin).

Bellecour exista jusqu’en 1743. À cette époque les religieuses cédèrent à l’hospice de la Charité une partie de l’emplacement qu’elles occupaient et se retirèrent, soit aux Deux-Amants, soit aux Colinettes. À la Révolution les monastères devinrent biens nationaux. Quant aux religieuses, parfois sans asile et même sans pain, elles pratiquaient une vie de travail et de charité par l’enseignement religieux ; quelques-unes furent incarcérées et périrent même sur l’échafaud ; le nombre des victimes eût été plus considérable sans la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794. L’épreuve de la séparation dura vingt-trois ans ; mais le 19 octobre 1815, douze sœurs survivantes des couvents disparus voulurent rétablir un monastère de religieuses Sainte-Élisabeth. Elles s’installèrent aux Chartreux, dans une maison qui fut jadis le cellier des moines, et devint, plus tard, un des bâtiments du pensionnat actuel ; elles y restèrent jusqu’en 1831. Cette année, elles se fixèrent, au nombre de trente-deux, dans une propriété qu’elles avaient achetée, rue Saint-Pothin, où la persécution sectaire est allée les chercher pour les dissoudre et les disperser. Désireuses avant tout de conserver la vie commune, les sœurs se sont transportées en Italie, près de