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pour la mission d’Afrique et allaient bientôt y constater que, si le climat du Dahomey était plus salubre que celui de Sierra-Leone, la barbarie de son gouvernement dépassait ce qu’on trouvait de plus monstrueux, même en Afrique. Ils y abordèrent heureusement, après avoir béni, en passant à Sierra-Leone, les tombes de Mgr de Marion-Brésillac et du P. Reymond qui n’avaient point reçu les honneurs et les prières de l’Église. Les courageux missionnaires se mirent à l’œuvre, et, dans ce pays barbare, vrai repaire de Satan, réussirent à obtenir l’amitié du roi. La semence chrétienne, jetée par eux dans ces peuples déshérités, où les sacrifices humains étaient à peu près le seul culte rendu aux divinités, ne tarda pas à porter ses fruits. De leur centre Ouida, les apôtres du Dahomey rayonnèrent largement, et leur chef, le P. Borghero, fut un de ces ambitieux à qui rien ne coûte lorsqu’il s’agit d’étendre les conquêtes de la foi.

À Lyon, d’ailleurs, d’autres missionnaires étaient impatients de s’élancer vers les côtes d’Afrique. Les aumônes abondaient. En 1862, le séminaire provisoire fut transféré dans un nouvel établissement du cours de Brosses, aujourd’hui cours Gambetta. Les départs plus nombreux de missionnaires permirent à l’œuvre d’Afrique une plus grande moisson. Ouida, Porto-Novo, Lagos et Agoué furent successivement évangélisés. En 1873, une mission importante fut créée dans l’Afrique méridionale et confiée également à la Société des Missions-Africaines : elle comprenait plusieurs districts détachés des deux vicariats apostoliques du cap de Bonne-Espérance. C’est ainsi que se développèrent successivement les missions lyonnaises en Afrique. La sage et énergique administration du P. Planque, supérieur général, lui permit de fonder deux autres établissements importants qui complétèrent le système d’organisation. La maison établie à Nice pour les convalescents du Dahomey fut en peu de temps très prospère. L’église du Sacré-Cœur de Nice, desservie par les missionnaires, devint le rendez-vous des étrangers qui abondent pendant l’hiver dans ce pays privilégié et dont plusieurs étaient gagnés par les prédications de ces dignes missionnaires revenus de la Côte des Esclaves. Cette vaillante société continue à multiplier dans le désert africain le nombre des apôtres ; elle a son martyrologe, et, partant, une ample part à la moisson.

Le seul mot d’esclavage révolte aujourd’hui tous les cœurs honnêtes ; mais on ne s’était pas fait une idée précise du poids terrible dont cette institution cruelle ou plutôt cette malédiction divine a pesé sur les races nègres. Durant plusieurs siècles, la plus grande partie de l’Afrique, surtout cette malheureuse portion de la famille de Cham disséminée sur la Côte des Esclaves, a été mise en coupe réglée. Depuis Loi 7, date de la première licence délivrée par Charles-Quint, que de populations de noirs furent écrasées, amenées au rivage et entassées dans nos navires ! Oui, l’Europe et la France elle-même ont eu leur lourde part de responsabilité dans cette œuvre inique. Sans doute, la conscience européenne s’est réveillée de nos jours et l’esclavage a disparu en Amérique et à travers les océans ; mais, en Afrique, et surtout à l’intérieur de ses sables, l’esclave, comme par le passé, remplace le serviteur libre ; les trafiquants réclament leur proie. Du Maroc à Zanzibar, les esclaves gémissent encore. Dans tous les états musulmans, les harems fourmillent de ces êtres dégradés. On évalue à plus de quatre cent mille le nombre de ces