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religieuses du sacré-cœur

Un an après, le P. Varin et Mme Barat créèrent un pensionnat à Amiens ; ce fut la première maison de la congrégation. Le 7 juin 1802, Sophie Barat, et une de ses compagnes, Mme Deshayes, firent profession dans la chapelle de Mme de Rumilly ; lorsqu’elle fui nommée supérieure de la communauté, le 21 décembre, Sophie n’avait que vingt-trois ans.

Dieu, qui voulait l’élever à un haut degré de sainteté, éprouva Mme Barat par la maladie et les ennuis de toutes sortes ; mais, fidèle à la grâce, elle supporta courageusement ces épreuves, et soutenue par les conseils de l’éminent Jésuite, elle développa rapidement sa communauté, malgré la perte causée par quelques-unes de ses compagnes qui retournèrent dans le monde.

L’esprit de l’institut, tel que l’avait conçu ses fondateurs, était la vie apostolique de saint Ignace, vivifiée par l’amour enflammé de sainte Thérèse ; en outre, pour maintenir l’unité d’esprit et de cœur entre les maisons de la société naissante, Mme Barat ne cessait de les visiter. Ces voyages, loin de distraire la supérieure de la vie religieuse, furent au contraire pour elle une suite d’occasions de progresser dans les sentiers ardus du dépouillement, parce que des nouvelles affligeantes lui venaient sans cesse, soit de sa famille naturelle, soit de l’institut ; elle goûta parfois cependant des consolations, lorsque, par exemple, elle eut le bonheur de voir le pape Pie YII à Grenoble, et de recevoir sa bénédiction et ses encouragements.

Le Sacré-Cœur n’avait pas encore jusque-là de constitutions écrites et arrêtées. L’évêque d’Amiens avait nommé M. l’abbé de Saint-Estève aumônier du couvent de cette ville. À la tête de la maison se trouvait Mme Baudemont, ancienne Clarisse, esprit dominateur, qui, lors de l’élection de la mère générale, avait failli la supplanter dans cette charge. En communion d’idées avec M. de Saint-Estève, elle signait volontiers ses lettres du titre de supérieure des dames de l’Instruction chrétienne, dont M. de Saint-Estève se croyait le fondateur. Erappés de l’irrégularité de cette conduite, le P. Varin et Mme Barat voulurent donner à la société des constitutions. Dans ce dessein ils s’associèrent quelques amis sages et éclairés ; la collaboration de M. de Saint-Estève lui-même fut acceptée, mais ce ne fut pas sans inconvénient, car ce prêtre, directeur de la maison mère d’une société dont il se laissait volontiers appeler fondateur, voulut en être le législateur ; aussi changeant le nom de Sacré-Cœur en celui d’Apostolines, il écrivit des constitutions, mélange des règles de saint Basile et de sainte Claire.

À la chute de l’empire, M. de Saint-Estève obtint du gouvernement un emploi de secrétaire d’ambassade près du Saint-Siège. Dès qu’il fut arrivé à Rome, son premier soin fut de voir le pape ; s’intitulant toujours fondateur de la société, il obtint une approbation temporaire des constitutions qu’il avait rédigées. Mme Barat, profondément affligée, se soumit, et pria le Sacré-Cœur de défendre sa propre cause. Mgr de Pressigny, ambassadeur du roi, la rassura, et, quelque temps, après, M. de Saint-Estève, blâmé par ses supérieurs, dut quitter la Ville Éternelle, rentrer en France, et abandonner sa fondation à des destinées précaires.

L’heure était venue de publier les sages règlements que Mme Barat, de concert avec le P. Varin et le P. Druilhet, avait rédigés en grand secret, pour ne pas jeter la désunion