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histoire des églises et chapelles de Lyon

montrent une telle mauvaise volonté qu’on entame contre eux un dispendieux procès. Jean Albi, dont la générosité, fort importante pour le temps où il vivait, rattache le nom à notre sanctuaire, était le descendant d’une maison fort ancienne ; ses ancêtres figurent en effet, avec honneur, dans les fastes consulaires, les dignités ecclésiastiques, le commerce et la banque. Florentins ou Lucquois, ils s’acclimatèrent très vite à Lyon et s’y enrichirent considérablement. Ils possédaient leur tombeau à Saint-Nizier ; le 20 juin 1343, un Jean Albi, fils de Thomas, chanoine de Mâcon et archidiacre, y fut enterré ; on y déposait, peu après, un autre Jean Albi, chanoine de l’église même de Saint-Nizier. C’est, on le voit, d’une piété héréditaire que ce premier bienfaiteur, trop ignoré jusqu’ici, prit conseil, en inaugurant la série des offrandes qui, depuis son exemple, n’ont pas cessé d’affluer.

Aux dons de la bourgeoisie lyonnaise la royauté ne tarda pas de joindre les siens. Louis XI traita magnifiquement la chère Madone. Pendant les trois mois et demi qu’il séjourna dans sa bonne ville (24 mars-10 juillet 1476), il témoigna un affectueux intérêt à la collégiale et s’occupa de la tirer de sa médiocrité et de son abandon, en ramenant les chanoines dans leurs stalles, des ressources dans leur coffre, de la décence dans les cérémonies. Les mesures qu’il arrêta, les articles de réglementation dont il souligna ses faveurs, dénoncent un esprit politique pour le moins autant que religieux. Il revenait de Notre-Dame du Puy, où il s’était rendu en dévot pèlerin pour recommander son royaume en péril et son âme en détresse. Sur la frontière de l’Est, un rival intraitable, Charles le Téméraire, quoique battu à Granson, continuait la campagne contre les alliés de la France ; au-dedans, les seigneurs intriguaient, cabalaient, prêts à se soulever, et quoiqu’il eût enfermé un des plus compromis, le duc de Nemours, au château de Pierre-Scize, dans une cage de fer, il n’était qu’à demi tranquille. Il jugea prudent de redoubler de largesses et de prières et de payer, à beaux deniers comptants, une protection plus efficace.

Il lui parut aussi d’une intolérable inconvenance que la Vierge tant belle, ainsi qu’il se plaisait à l’appeler, habitât plus longtemps un misérable logis : « nolens tam formosam Virginem Mariam ferre diutius eam, in humili ecclesia existere. » Il prit donc l’initiative d’une sérieuse restauration. Par une lettre, dont nous possédons le texte, mais trop longue à reproduire, il ordonna qu’à cette chapelle de la Vierge qu’il affectionnait, une messe basse serait célébrée, désormais, chaque jour, et qu’aux cinq fêtes mariales et aux solennités de l’Ascension et du Saint-Sacrement, on la chanterait « à note ». Comme dotation de ce service, il abandonnait les rentes et gardes, estimées 30 livres par an, de Saint-Symphorien-le-Châtel, la ferme et la châtellenie de Charlieu, avec le péage de Maltaverne, évalués 35 livres. Le cadeau n’avait rien d’excessif ; mais le roi n’était pas un prodigue et de tels dons empruntent leur valeur à la main qui les répand. Aussi bien le chapitre n’en jouit pas très longtemps ; pendant les troubles, qui accompagnèrent l’occupation de Lyon par les protestants, la perception de ces sommes fut interrompue ; négligence forcée d’un côté, mauvaise foi probable de l’autre, la dette se trouva périmée. Plus tard, vers la moitié du xviie siècle, des recherches et des instances, pour en rétablir les titres, demeurèrent sans effet.

Louis XI se réserva de communiquer personnellement aux chanoines ses intentions et de