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pour les rendre plus accessibles. Ce fut un travail de douze années. Quand il crut avoir amené son système à l’unité et à la clarté nécessaire, il le publia sous ce titre : La Philosophie.

La réputation du prêtre lyonnais s’accentuait de plus en plus, à Paris plus encore peut être qu’à Lyon. Son livre : Économie sociale et politique fut couronné par l’Académie des sciences morales et politiques. Le rapport de M. Picot contenait un juste et caractéristique éloge de M. Rambaud, « maître admirable, qui a créé à Lyon, dans un quartier pauvre, des logements pour les misérables ; qui a construit des écoles, et qui a créé des méthodes ».

Il ne sera pas inutile de dire ici que le cœur de cet apôtre généreux fut déchiré par l’apparition de La France juive de M. Drumont ; comme prêtre et comme économiste, il protesta contre la thèse qui mettait les Juifs hors la loi, dans une lettre publique qu’il répandit abondamment. Toute générosité de cœur le ravissait, surtout chez ceux qui n’avaient pas le bonheur de posséder sa foi. Il était lié d’amitié avec le pasteur Monod, et un jour que le pasteur Æschimann venait le visiter, M. Rambaud dit aux personnes présentes : « Il appartient à l’âme de l’Église. »

Depuis longtemps, M. Rambaud se proposait d’écrire une exposition raisonnée de la foi chrétienne. Poussé par ses amis et par le cardinal Foulon, il se décida, en 1892, à faire imprimer ce nouvel ouvrage. On a appelé avec raison cette œuvre : la théologie du cœur. Ce livre, écrit avec tant d’amour, fut le tourment de ses dernières années. Certains professeurs ne concevaient pas que l’on pût facilement allier la théologie affective aux austères et strictes définitions de la scolastique. Et pourtant que de conquêtes lui valut cette méthode : pour ne citer que deux noms, n’est-ce pas sur ce terrain qu’il se lia d’amitié avec MM. Lucien et Félix Mangini. Ces deux grands personnages animés l’un et l’autre d’un invincible optimisme et d’une haute générosité, étaient en communication constante avec M. Hambaud, dont ils admiraient la religion large, pure, élevée.

Le 19 décembre 1893 fut un véritable triomphe. Tout ce que Lyon compte d’hommes remarquables se pressait dans la vaste salle du Palais des Arts. L’Académie venait d’attribuer à M. Rambaud le prix Livet. Mgr Coullié tint à |honneur de remettre lui-même au créateur de la Cité de l’Enfant-Jésus, la médaille d’honneur. Presque au lendemain de cette séance, une congestion de la rétine priva de la vue M. Rambaud. Après quelques jours de tristesse causée par la pensée d’être livré à une main étrangère pour le conduire, il se reprit, et adressa au pasteur Monod cette belle parole : « Je sais ce que c’est que servir Dieu en y voyant clair, il m’apprendra ce que c’est que le servir en aveugle. » Dès ce moment, il reprit plus fortement sa tâche d’éducateur, de consolateur, d’ami des pauvres, de promoteur d’œuvres et d’idées. Son infirmité ne l’empêcha pas de publier : L’Histoire des idées philosophiques, ouvrage qui forme le complément de sa Psychologie.

Au milieu de ce travail, qui, en occupant sa pensée lui conservait la vie, il lui arriva, à peu d’intervalle, une joie et bientôt une cruelle douleur. L’Académie des sciences morales et politiques lui décerna, en 1895, pour son Économie sociale et politique, le prix