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histoire des églises et chapelles de lyon

À l’extrémité de ce tènement de Thunes, placé comme en vedette sur la roche nord coupée à pic, se dresse encore un pavillon carré, aux fenêtres croisillonnées, d’une époque antérieure au couvent, ayant tous les caractères du temps des Valois : on l’appelle quelquefois pavillon François 1er. En réalité, on ne connaît de son histoire qu’un fait, c’est que les religieux Carmes, après leur fondation, s’en servaient comme d’hermitage.

En effet, en souvenir de la vie solitaire qu’ils avaient menée primitivement, il était de tradition que, dans chaque maison, un religieux vécût en ermite, pendant un mois, dans une cellule isolée du couvent, où les frères lui apportaient ses aliments. Les Carmes affectèrent à cet usage le coquet pavillon style Henri II : fin inattendue pour ce belvédère qui avait dû être témoin antérieurement de joyeux devis et de copieux festins.

À gauche de ce vestige du moyen âge, sur un double étage de terrasses, soutenues par de pittoresques arcades qui font corps avec le rocher, l’ancien couvent des Carmes-Déchaussés développe ses bâtiments d’habitation et sa vaste chapelle que dominent un fronton grec et un petit clocher, le tout d’aspect italien. Quelles en sont l’origine et l’histoire ?

Un premier couvent de Carmes, appelés Grands-Carmes, avait été fondé à Lyon, en 1303, sur des terrains que leur avait concédés Louis de Villars, et qui formaient là partie comprise actuellement entre la place de la Miséricorde, la rue Terme et la rue des Auges. Mais, à Lyon, comme ailleurs, l’ordre s’était relâché de sa première discipline, au point que plusieurs saints personnages, tels que saint Jean de la Croix et sainte Thérèse, résolurent, au xvie siècle, de le réformer. Ceux qui embrassèrent cette réforme s’appelèrent Carmes-Déchaussés, parce que, contrairement au grand ordre, ils marchaient nu pieds, avec des sandales.

Plusieurs notables de Lyon, au début du xviie siècle, s’efforcèrent de favoriser cette réforme et d’y introduire de nouveaux religieux. Parmi eux, il faut citer Philibert de Nérestang, grand-maître de l’ordre de Saint-Lazare, et premier grand-maître de l’ordre des chevaliers du Mont-Carmel, érigé par Paul V, ainsi que le marquis d’Halincourt, gouverneur de Lyon.

Il ne fallut rien moins que ces protecteurs puissants pour vaincre l’obstruction du consulat et des recteurs de l’Aumône générale qui estimaient que l’ordre ayant déjà un couvent à Lyon, il était inutile pour la ville et préjudiciable aux intérêts de la population d’en entretenir deux. Mais « sur la requeste présentée par les RR. PP. Bernard de Saint-Joseph, provincial, et Joseph de Sainte-Marie, religieux Carmes réformés, la dicte supplique tendant à ce que, en conséquence de la volonté du roi, par ses lettres patentes du mois de mai 1611, il plaise au consulat de Lyon de consentir et permettre que l’ordre établisse une de ses familles en ladicte ville, les consuls décident, en délibération du 19 septembre 1617, que pour l’honneur et le respect que les ditz sieurs veulent et doivent porter à la pieuse intention et volonté de sa majesté et à la glorieuse mémoire du roi sainct Louis, fondateur en France de l’ordre des dictz religieux de Nostre Dame du Mont Carmel, il a été convenu, comme il est dit ci-dessus, entre le prévôt des marchands et échevins d’une part, et les recteurs des deux hôpitaux d’autre part, qu’ils donneront leur consentement