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de leurs ruines, un non moindre fléau les frappa, la peste, qui sévit dans leur couvent puis dans le monastère des Cordeliers de Saint-Bonaventure, tant et tant, écrit un annaliste contemporain qu’il n’y demeura quasi personne. Il est très étonnant que le Père Benoit Gonon, le plus agréable historien de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, n’ait pas mentionné ce fait d’importance dans sa chronique, plus savoureuse d’ailleurs par le langage que recommandable par l’exactitude chronologique.

De la fin du xvie siècle au xviiie, la dévotion à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle se refroidit. En 1721, le monastère qui s’en allait en ruines fut rebâti sur un nouveau plan. La façade, exécutée d’après Masson, ne fut finie qu’en 1739 : elle avait trois cents pieds de longueur et faisait un assez bel effet de masse. Les quatre bâtiments que l’on voit aujourd’hui sur le quai, ornés d’appliques et de frontons, sont des parties conservées du soubassement de cette façade. La pièce insigne du cloître, selon Clapasson, était, dans le réfectoire, un grand tableau cintré qui en occupait tout le fond : les Noces de Cana, exemple rare de l’intelligence du clair-obscur et du coloris, et œuvre de Vernansal, peintre parisien, qui, après de longues études à Venise, habita quelques années à Lyon.

Les Célestins subirent, en 1744, deux incendies presque coup sur coup. Le premier consuma, le 26 novembre, leur riche bibliothèque, dont M. d’Aigueperse, greffier du tribunal de commerce de Lyon, a possédé longtemps un magnifique Térence, de 1675, sur le titre duquel on lisait : « A flammis ereptus, 1744. Préservé de l’incendie de 1744. » Le second, pendant la nuit de Noël, dévora les deux corps de logis les plus voisins de la place du Port-du-Roi. La décadence menaçait en même temps les Gélestins : par lettres patentes de Louis XVI, du 13 mai 1779, ils se sécularisèrent, et l’archevêque de Lyon, Malvin de Montazet, le 6 novembre suivant, réunit leurs biens à ceux du clergé. Le prélat avait compté sans une intervention, inattendue à vrai dire, du passé le plus archaïque. Victor-Amédée III, duc de Savoie et roi de Sardaigne, prince assez peu dévot mais très versé dans l’histoire de ses aïeux, revendiqua « la Célestinière de Lyon », en excipant de la clause citée d’après la charte de donation du 27 février 1407. Il y eut procès, bref d’ailleurs pour l’époque, vraisemblablement à cause de la qualité des parties, puisqu’il ne dura que quatre ans un mois et six jours. Un arrêt du conseil des dépêches, du 12 janvier 1784, envoya en possession du couvent en litige Victor-Amédée III, qui, le 10 mai 1785, aliéna la totalité du vaste emplacement au prix de 1.500.000 livres, dont il usa, dit-on, pour payer la noce de son fils, le prince de Piémont, avec la sœur de Louis XVI. L’acquéreur revendit, par morceaux, le terrain à peu près net et on y perça des rues. On sait le reste : l’église se changea en un théâtre qui ne rappelle guère les concerts spirituels, si fort vantés au xviie siècle, des disciples de Pierre de Mourrone.