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célestins

du concile, il se rendit à Lyon à pied ; il n’y parvint que rompu de fatigue, et se logea dans une maison qui avait appartenu aux Templiers. Une vision le réconforta aussitôt : le ciel lui révéla qu’il obtiendrait du pape ce qu’il voulait et qu’un jour le lieu où il dormait serait une possession de son ordre. Selon les auteurs de V Année bénédictine, si Grégoire X accorda à Pierre de Mourrone, non seulement l’autorisation d’instituer sa congrégation réformée mais encore des privilèges, c’est qu’ayant assisté à sa messe, il le vit suspendre son ample manteau blanc à un rayon de soleil. Ceci est de la légende, respectons pourtant la croyance des simples. Grégoire X accorda la bulle confirmative le 11 avril 1275. Dès le 19 mai, Pierre de Mourrone reprit la route de l’Italie, et fut secondé par des miracles manifestes.

L’histoire apprend que le 5 juillet 1294, le Saint-Siège étant vacant depuis plus de deux années par la mort de Nicolas IV, un cardinal, irrité des ambitions puissantes qui partageaient le conclave, jeta, comme par défi, le nom de l’ermite parmi tous ceux que l’on discutait. On crut à une inspiration divine ; on alla aux voix et Pierre de Mourrone fut élu. Il quitta, non sans regret ni larmes, sa cellule effroyable du mont de Margella et fit son entrée solennelle dans la ville d’Aquila, monté sur un âne dont la bride était aux mains de Charles II le Boiteux, roi de Sicile, et de son fils, roi de Hongrie, le futur Robert le Sage. Il prit le nom de Célestin V, en s’asseyant sur le siège de Saint-Pierre. Son pontificat qui ne dura que six mois ne tint pas les promesses que l’on en avait conçues : il s’avoua impropre à gouverner les hommes, abdiqua la tiare en décembre 1294, et mourut le jour de Pentecôte 1296. Son successeur Boniface VIII accabla d’honneurs son humble mémoire ; Clément le canonisa et le roi Philippe le Bel, en 1300, appela son ordre en France ; les successeurs de ce monarque, particulièrement Charles V, ne cessèrent de favoriser les Célestins.

Entre temps l’ex-commanderie du Temple, où Pierre de Mourrone avait discerné en rêve l’avenir de son œuvre, avait passé aux chevaliers de Malte : puis les ducs de Savoie l’avaient échangée pour l’une de leurs propriétés et y faisaient parfois leur résidence. Le 22 février 1407, Amédée VIII, des princes de Savoie, lequel n’en eut pas moins le malheur de devenir l’anti-pape Félix V, « la céda à ses bien-aimés pères, les fils de Pierre de Mourrone » pour qu’ils y construisissent un monastère et une église, qui seraient dédiés à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle. Par l’une des clauses de l’acte de donation, il se réservait, dans le monastère, un logement à perpétuité. Un des premiers prieurs du nouveau couvent fut Jean Gerson, frère du célèbre chancelier de l’Université de Paris.

Louis Ier, fils d’Amédée VIII, hérita des sentiments de son père pour les Célestins de Lyon. Il leur accorda une grosse somme pour édifier une seconde église qui remplaça promptement la première, trop exiguë ; son cœur y fut inhumé devant le grand autel, conformément à ses suprêmes volontés, peu après qu’il fut mort, le 29 janvier 1465, dans la maison qui faisait l’angle de la place Saint-Jean et qui appartenait à la veuve d’un riche commerçant. Pour renfermer ce cœur très cher, les Célestins élevèrent un superbe tombeau sur lequel se lisait une épitaphe de noble allure, dont nous traduisons