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histoire des églises et chapelles de lyon

l’esprit suspendu au sens mystique des chants ! Mais c’est dans la claire saison que tout prend une vie plus intense. Les quatre grandes rosaces semblent ces portes d’or et de pierres précieuses que les légendes naïves mettent à l’entrée du paradis ; les fenêtres de l’abside sont comme des bannières lumineuses et transparentes, d’où s’échappent des coulées de rayons diversement colorés. Les piliers et leurs colonnettes se dessinent, les saillies s’accusent, les nervures des voûtes se profilent dans toute leur souplesse robuste.

Seules, les absides et la façade ont conservé leurs vitraux anciens ; le style en est tout empreint d’archaïsme oriental, ainsi que l’observe M. Bégule qui en a fait une intéressante description. Des autres, une partie a été mutilée par les soudards du baron des Adrets. Puis vint le xviie siècle qui méconnut l’art du moyen âge, on peut presque dire l’art religieux. À plusieurs endroits, il remplaça de propos délibéré les verres de couleur par des vitres blanches, afin « d’éclairer » les églises. Une plus juste notion de l’harmonie a fait rétablir ces verrières au jour chaud et vibrant.

Saint-Jean est de dimensions modestes : soixante-dix-neuf mètres de longueur ; le vaisseau principal mesure onze mètres entre les piliers, et, en hauteur, trente-deux mètres sous clef. Mais l’ensemble du monument prend au regard une ampleur que n’ont pas nombre de basiliques couvrant un plus vaste espace.

Au premier coup d’œil, on constate que les quatre dernières arcades de la nef, les plus proches de l’entrée, s’écartent de l’alignement des autres et subissent une déviation fort sensible, surtout du côté droit. Plusieurs écrivains ont prêté à cette inclinaison un sens symbolique : elle rappellerait le mouvement du corps de Jésus en croix. Mais la courbe peut s’expliquer par le désir de conserver d’abord l’ancien cloître, situé au midi de l’église et autour duquel les chanoines avaient leurs résidences, au temps de la vie en commun. Ce cloître fut néanmoins sacrifié, plus tard, lorsque l’on construisit les chapelles latérales ; il en reste encore cinq travées formant, aujourd’hui, une annexe et servant au chapitre pour l’office privé, en hiver.

Chaque pilier de la nef est entouré de huit colonnettes, majestueuse fusée de pierre s’élançant vers les chapiteaux. Au-dessus des travées, court un triforium ou tribune aux ouvertures géminées ; c’est de là que, aux jours solennels, les curieux suivent les cérémonies. Plus haut, sous les fenêtres, garnies de vitraux modernes, passe une seconde galerie, simple couloir sans ornement.

Le fond de l’abside est percé d’une double rangée de sept fenêtres en ogive très évasée : c’est la plus ancienne application de l’art ogival dans le Midi. Les vitraux de l’étage inférieur, œuvre du xiiie siècle, sont particulièrement intéressants. En voici l’énumération d’après M. Bégule : les fondateurs de l’église de Lyon, Pothin, Irénée, Polycarpe ; saint Jean l’Évangéliste ; saint Jean-Baptiste ; la Rédemption, avec de curieuses intercalations d’animaux symboliques, la licorne et la calandre ; saint Étienne, les rois Mages, avec bordure de petits médaillons figurant les Vertus et les Vices ; enfin Lazare. Les fenêtres du rang supérieur sont occupées par les douze apôtres et les douze prophètes, faisant cortège au Christ et à la Vierge assis au centre.

Entre les deux étages, règne une tribune aux arcades romanes, se reliant au triforium